SYMPHONY OF SIRENS, Arseny Avraamov (1922)

Au début des années 1920, en Russie, Arseny Avraamov est probablement le compositeur russe qui représente de la manière la plus emblématique, une trajectoire musicale, encore aujourd'hui largement méconnue, qui se calque sur le versant le plus expérimental de la musique bruitiste dans le sillage du futurisme russe.

En 1922, pour célébrer l'anniversaire de la Révolution, il imagine une grande symphonie de ville qui serait jouée à Baku non pas par des instruments traditionnels mais par des sons qui émaneraient de la ville toute entière : tirs d'artillerie et de canons, sirènes d'usines, sifflets à vapeur, cornes de cuirassés, deviendraient sous sa baguette, ou plutôt sous ses drapeaux, puisqu'il dirigeait lui-même à l'aide de drapeaux depuis le sommet d'une plateforme ou depuis le toit des immeubles, l'une des symphonies de ville les plus marquantes de l'histoire de la musique.

Pour cette symphonie à l'échelle de la ville toute entière, il conçoit un système complet de sifflets à vapeur, comprenant toute l'échelle chromatique lui permettant sur plus d'une octave et demie, d'intégrer à sa symphonie de ville des mélodies jouées par ces machines à vapeur comme L'Internationale ou La Marseillaise.

Avraamov tentera par la suite de simplifier ce système avec un dispositif de répartition de la vapeur à travers différents sifflets notamment pour la reprise de la Symphonie des sirènes à Nivni Novgorod puis à Moscou en 1923.

Edgard Varèse avait certes déjà introduit la sirène au milieu de son orchestre notamment dans Amériques (1918-1921), puis dans Hyperprism (1923) et Ionisation (1933), elle se retrouve également dans le film Ballet Mécanique (1924) de Fernand Léger et Dudley Murphy sous la conduite musicale de George Antheil, mais avec cet exemple, dans un geste encore plus radical, Avraamov intègre ce jeux de sirène et de sifflets à son orchestre inouï où il étend tous les pupitres à la ville toute entière.

Il compose une partition dans laquelle il intègre tous ces instruments sonores.

Pour les manifestations sonores plus diffuses et lointaines Avraamov consigne le déclenchement d'événements sonores selon un déroulement temporel très précis auquel doit obéir chaque responsable de l'événement sonore.

Voici une reconstitution sonore de Leopoldo Amigo et  Miguel Molina paru en 2008 dans l'indispensable coffret Baku Symphony of Sirens, qui regroupe reconstitution sonore et archives d'époque de l'avant garde russe.

 

The first cannon shot from the roadstead (in about 12 o’clock) cues the alarm horns of Zych, White City, Bibi-Heybat and Bailov plants.
The fifth cannon shot cues the industrial horns of Product Management Azneft and docks.
The tenth cues the second and the third groups of Chernogorodsky district.
The 15th cues the first group of Black town and the sirens of the fleet. At the same time the fourth company of the Armavir courses of red commanders and the brass orchestra playing Warshavyanka go to the pier.
The 18th  cannon shot cues the plants of Gorrayon and the seaplanes take off.
The 20th cues the horns of the railway depot and the locomotives, that remain at the stations. Machine guns, infantry and steam orchestra, entering at the same time, get cues directly from the conducting tower. 
During the last 5 cannon shots alarm gets to the maximum and terminates with the 25th shot.  Pause.  Recall (signal from the Magistral).
Triple chord of the sirens. Seaplanes descend. “Hurrah” from the pier. Cue from the Magistral. “L' Internationale” (4 times). With the second half strophe the brass orchestra starts playing “La Marseillaise”. With the first repeat of “L' Internationale” melody the whole square starts to sing all three strophes of “L' Internationale” to the end. At the end of the last strophe the Armavir companies with orchestras return, met by “hurrah” calls from the square. During the performance of “L'Internationale” all the industrial horns and the railway station (depot and locomotives) remain silent.
Right after a joint triumphant chord, accompanied by cannon shots and bell-ringing, is played for 3 minutes.
Ceremonial March. «L' Internationale” is repeated two more times at cues during the final procession. After the third (final) performance the sirens cue one more joint chord of all the horns of Baku and its districts.

Arseny Avraamov
“Horn” magazine, 1923

Retrouvez d'autres informations sur le site Monoscop qui regroupe de nombreuses informations sur Arseny Avraamov.

PENDULUM MUSIC, Steve Reich (1968)

 

Pendulum Music est une pièce conçue pour 2, 3, 4 ou X microphones, amplificateurs, enceintes et exécutants.

Au milieu des années 60, a New York, les travaux d’artistes conceptuels tels que Sol Lewitt, Richard Serra,  Bruce Nauman et Michael Snow sont plus ou moins associés au courant du minimal art. Steve Reich représente, en quelque sorte, la figure musicale au sein de ce mouvement. Il expérimente alors à partir de l’agencement de dispositifs sonores électroacoustiques. A mi chemin entre l’installation sonore et la pièce musicale, Pendulum Music se situe donc dans la poursuite des travaux de Reich sur le déphasage de boucles de bande magnétique sur magnétophones comme, par exemple, dans Come Out (1966) ou It’s Gonna Rain (1967)

Pendulum Music fut présentée pour la première fois en 1969, lors d’une session d’été à l’Université du Colorado, intégré à un spectacle multimédia intitulé Over evident Falls en collaboration avec l’artiste peintre Bill Wiley. L’événement est relaté par Steve Reich comme « un Happening pensé à la va vite » dans une mise en scène où les spectateurs, assistent à l’événement au milieu d’une pluie de faux flocons de neige éclairée par des tubes de néon de lumière noire.
Une photo de la performance du 2 mai 1969 au Whitney Museum of American Art de New York, montre les artistes Richard Serra, James Tenney, Bruce Nauman et Michael Snow prêt à donner la première impulsion au  balancement des microphones.

Le principe sonore de la pièce est simple et repose sur le mouvement de balancement imprimé à des microphones suspendus au dessus d’enceintes provoquant un effet périodique de larsen.

Dans un lent processus de ralentissement, l’amplitude du balancement diminue, des effets de déphasage se produisent entre les différents microphones. La forme de la pièce se fond alors dans le lent processus qui est fonction de la durée des balancements des microphones jusqu’à la stabilisation au dessus des enceintes créant alors des effets de larsens continus. A la périodicité et au rythme du début de la pièce se substitue peu à peu des fréquences modulantes déplaçant l’écoute non plus sur le rythme mais sur le paramètre de la hauteur.

L’écoute se porte également sur le phénomène acoustique et les variations de plus en plus infimes de la structure du larsen lorsque les microphones oscillent lentement, proches de l’immobilisation. Pendulum Music s’inscrit aussi pleinement dans l’idée d’une œuvre poly-sensorielle se donnant autant à voir qu’à entendre, permettant à l’œil de percevoir les micro modulations de la matière sonore par le biais du mouvement de balancement des microphones.

La « partition » de l’œuvre, qui est en réalité un simple texte manuscrit de Reich, a été écrite en août 1968, et révisée en mai 1973 par le compositeur. Elle indique que les exécutants après avoir impulsé le premier mouvement au balancement des microphones doivent rejoindre l’assistance pour assister à son déroulement.

Voici deux versions de la pièce.

Reconstitution de la mythique pièce de Steve Reich à l’école des beaux Arts du Mans, le 21 novembre 2014 dans le cadre de mon cours : Histoire et théorie du sonore..
Interprètes : Pierre-Marie Blind, Léo Urriolabeitia, Koré Préaud, Tanguy Clerc, Arthur Chambry, Rémy Hertrich.

GUITAR DRAG, Christian Marclay (1999)

Le 18 novembre 1999, Christian Marclay réalise Guitar Drag un film de 14′ qui documente une performance qu’il a mené à San Antonio dans le désert du Texas mettant en scène une guitare tiré au bout d’un corde par un pick up équipé d’un puissant ampli déposé dans le coffre à l’arrière du véhicule.

« Guitar Drag possède de nombreuses couches de références, il fait allusion au rituel qui consiste à briser les guitares électriques dans les concerts de rock, il rappelle Fluxus et ses nombreuses destructions d’instruments. C’est aussi un road movie, faisant référence au paysage du Texas où il a été tourné, avec des références aux cow-boys et aux rodéos. Il s’agit de la violence en général et plus particulièrement du lynchage de James Byrd Jr. qui a été traîné jusqu’à la mort derrière un “pickup-truck“. Je souhaite que la vidéo comporte ces multiples couches et déclenche l’imagination des gens dans des directions contradictoires. La pièce finit par être à la fois séduisante et répugnante.

* « Guitar Drag has many different layers of references, it alludes to the ritual of smashing guitars in rock concerts, it recalls Fluxus and its many destruction of instruments. It is also a road movie, with reference to the landscape of Texas where it was filmed, with references to cowboys and rodeos. It is about violence in general and more specifically about the lynching of James Byrd Jr. who was dragged to his death behind a pickup-truck. I want the video to have these multiple layers and trigger people’s imagination in contradictory ways. The piece ends up being seductive and repulsive at the same time ».

Christian Marclay, 2001, livret de l’édition vinyl par le label suédois Neon Records en 1500 exemplaires publiée en 2006.

BOX WITH THE SOUND OF IT’S OWN MAKING, Robert Morris (1961)

Bois (24.8 x 24.8 x 24.8cm), haut parleur, durée 3h1/2.

Né en 1931, Robert Morris est considéré avec Donald Judd comme l'un des principaux théoriciens du minimalisme. Proche des compositeurs La Monte Young et John Cage, sa pièce Box with the Sound of its Own Making est à la fois un hommage au Ready Made de Marcel Duchamp tout en contribuant à développer l'idée d'une sculpture minimaliste dans le sillage du Process Art, rejetant toute approche romantique dans le processus de création artistique.
Robert Morris réalise cette œuvre en janvier 1961 à New York. La boîte est constituée de six pièces de bois reliées entre-elles pour former un cube parfait de 28 cm de côté.
Pendant les trois heures et demi que durent la construction de la boîte, Robert Morris procède à un enregistrement audio où sont prélevés l'intégralité des bruits de la construction : découpage à la scie, marteau, ponçage, déplacements de l'artiste dans son atelier, etc.
Dans son principe d'exposition, la boîte donne donc à entendre les sons de sa fabrication au spectateur grâce à un petit haut parleur situé à l'intérieur de la boîte qui permet de réactiver la création de l'œuvre en temps réel.
Dans le cercle artistique de Morris, la boîte est également perçue comme une forme de performance musicale. John Cage, visitant l'atelier de Morris considéra l'œuvre comme un concert privé, s'installant face à elle pour écouter l'intégralité de l'enregistrement.
Echappant à tout idée de classification artistique, Box with the Sound of its Own Making met en lumière les relations qui peuvent unir sculpture et musique, perception visuelle et acoustique, objet et processus créatif.

L'enregistrement ci-après est une simulation reconstitution réalisée par Kate Blacker.

IMAGINARY LANDSCAPE NO.4 de John Cage (1951)

Imaginary Landscape n°4 est dédicacée à Morton Feldman. Vingt-quatre manipulateurs sont nécessaires pour exécuter cette œuvre, soit deux par poste de radio : le premier pour varier les fréquences, le second pour contrôler le volume.

Il semble futile voire contradictoire ici, de vouloir rendre compte de la portée de cette œuvre à travers les instants immuables de l’enregistrement vidéo qui fige l’exécution d’une partition qui, intrinsèquement, cherche le renouvellement permanent et l’indétermination lors de chacune de ses interprétations. Aussi, les enregistrements qui illustrent ce propos ne sont ils pas des contre-exemples de ce que Cage cherchait précisément à approcher : l’indétermination dans l’instant de chacune de ses exécutions ?

Le percussionniste Lê Quan Ninh, spécialiste de l’interprétation de la musique de John Cage, indique que cette œuvre ne doit pas être interprétée de manière frontale mais que les postes de radio doivent au contraire être dispersés dans l’espace. La pièce ne doit pas non plus être dirigée par un chef d’orchestre. Aussi les deux exemples qui suivent semblent très loin d’une représentation idéale.

Extrait d’un article de Catherine De Poortere,

Le poste de radio, dont John Cage extrait du son aléatoire comme il pourrait le faire de n’importe quel objet trouvé, figure au centre de deux performances (1951 et 1956) d’une sobriété presque contemplative, désintéressée. D’un effet vertigineux, ces mises en scène n’en demeurent pas moins simples et ordinaires. Au milieu du siècle des avant-gardes, John Cage n’est pas de ceux qui, sans discernement, exaltent le progrès et cherchent à s’en prévaloir. En art comme dans la société, dans les faits comme dans la vie, l’innovation technique, qu’elle soit littérale, ludique ou même subversive, ne tient lieu ni de style ni de contenu. Aux yeux de cet artiste pluridisciplinaire mais radical, il n’est d’art que vivant, émancipateur, toujours en devenir. L’œuvre ne peut se donner comme forme fixe, forme inerte, sclérosée; c’est là le cadavre de l’art peut-être – si tant est que l’art n’abolisse pas nécessairement sa propre fin.

C’est ainsi que Cage procède : cadrer pour libérer. Les amateurs de notations originales trouveront leur bonheur en examinant les « partitions » de « Radio music » et « Imaginary landscape n°4 », sur lesquelles l’artiste détaille écarts de fréquences, silences et autres spécificités hertziennes, d’abord sur une portée puis directement en chiffres et en traits de façon à ouvrir au maximum le spectre de manœuvre. Ces deux morceaux, qui emploient chacun une dizaine de postes et le double en exécutants, sont voués à être uniques (on ne tient pas compte des enregistrements « historiques », contradiction dans les termes), d’autant que la radio évolue sans cesse, en forme et en contenu. Si la radio n’est guère qu’un objet sonore parmi d’autres pour John Cage, plus encore que le piano arrangé, elle est l’instrument de l’indétermination par excellence. Sa multiplicité reflète la multiplicité de tous, reflète plus encore la multiplicité d’un seul – et parfois même elle paraît porter la gravité de son destin. Unanime et ressemblante, est-elle l’expression de tous ou d’un seul ? Ou, immanence ingrate, ne dévoile-t-elle qu’un visage rassemblé, difforme – son visage arbitraire ?

La radio n’a pas de sens, elle les contient tous, n’en retient aucun. L’ampleur d’un paysage imaginaire est sans limites. À l’écoute, on se trouve d’emblée transporté comme dans un long voyage en voiture. Il arrive toujours un moment où dans la torpeur de la monotonie, on allume distraitement la radio. À tâtons (qu’est-ce qu’on cherche ? qu’est-ce qu’on attend ?), on s’abandonne aux ondes indistinctes, cela peut durer des dizaines de minutes, entre deux villes sur l’autoroute il n’y a pas grand-chose, on passe trop vite d’une chaîne à l’autre, tout est fluide, les parasites collent les bribes de voix, les langues inconnues, les notes de musique, les cris, les rires… La radio est ce médium acousmatique qui ne supprime certaines formes du silence, de la solitude et du vide que pour les remplacer par d’autres, plus insidieuses, plus redoutables, car plus banales… Voilà ce qu’évoquent ces deux morceaux de Cage, ces temps de dérive, ces temps abstraits infiniment creux où, sans se l’avouer, ce qu’on écoute à la radio c’est la radio elle-même, totalité incohérente, continue et discontinue, lugubrement rassurante, berceuse appropriée au demi-sommeil, à la folle rêverie de la pure passivité.

RADIO MUSIC de John Cage (1956)

 

Radio Music (1956) d'une durée de 6 minutes peut être jouée en solo et jusqu'à 8 exécutants.

Cette pièce fut crée le 30 mai 1956, aux  États-Unis, à New York City, au Carl Fisher Haller, par John Cage, Maro Ajemian, David Tudor, Grete Sultan et les membres du Juilliard String Quartet.

La partition n'est composée que de chiffres indiquant 56 fréquences ainsi que des tirets indiquant des silence. De plus il y a 4 mouvements qui peuvent être marqués ou non par des silences.

4’33 » de John Cage (1952)

4’33 » célèbre pièce de John Cage composée en 1952 appartient au répertoire d’un courant musical que l’on nomme musique expérimentale. Cage s’intéresse non pas au caractère unique de la permanence ou à l’aspect immuable de l’œuvre mais au caractère unique du moment, c’est l’un des concept du Yi King. Au contraire du compositeur d’avant garde qui veut figer le moment afin de préserver son caractère unique et permettre à l’œuvre de trouver une forme définitive et permanente. Il en résulte un bouleversement de la notion d’identité primordiale d’une composition pour les avant-garde, notion très différente chez les compositeurs expérimentaux où deux versions d’une même pièce n’aurait aucun fait musical perceptible en commun.
Pour autant « l’exécution d’une composition qui est indéterminée dans son exécution est nécessairement unique. Elle ne peut être répétée. Quand elle est interprétée une seconde fois, son issue est autre que ce qu’elle a été. Ainsi rien n’est accompli par une telle exécution puisque cette exécution ne peut être saisie en temps temporel » dit Cage.

Du coup, les enregistrement sont trompeurs et seulement représentatif d’une manière d’interpréter la pièce

4’33 » implique l’écoute de ce qui se passe pendant que la pièce est interprétée. C’est précisément l’instant de l’exécution qui fait œuvre riche ou pauvre, peu importe. Les protestations hostiles du public sont tout aussi intéressantes que les sons produits par l’exécutant à la différence que les réactions instinctives du public sont incontrôlées alors que l’exécutant sait exactement ce qu’il fait de manière réfléchie et contrôlée.
Cage vise à un engagement de l’auditeur aussi profond que possible et à une mise à l’épreuve de ses facultés de perception.

Comme indiquée sur la partition, la pièce est prévue pour être interprétée pour n’importe quelle instrument ou groupe d’instruments.

Lors de la création par David Tudor le 29 août 1952, au Maverick Concert Hall de Woodstock dans l’État de New York, dans une interprétation pour piano solo, Le public l’a vu s’asseoir au piano, soulever le couvercle et laisser ses mains au-dessus des touches de l’instrument. Après un moment, il ferma le couvercle et se leva. Le morceau avait été joué et pourtant aucun son n’était sorti.
« […] les gens ont commencé à chuchoter l’un à l’autre, et certains ont commencé à sortir. Ils n’ont pas ri – ils ont juste été irrités quand ils ont réalisé que rien n’allait se produire, et ils ne l’ont toujours pas oublié trente ans après : ils sont encore fâchés. » écrit David Revill dans son ouvrage The Roaring Silence: John Cage, A Life.

La notion de temps dans chacune des parties doit être observée scrupuleusement, à l’exclusion des silences entre les trois parties
Dans la version de David Tudor , lors de la création en 1952, les silences et la séparation entre les parties est marquée par l’ouverture et la fermeture du couvercle du piano.

La longueur de 4’33 » est en fait désignée par pur hasard. Et c’est ce temps qui donne son titre à l’œuvre. Cependant, bien qu’aucune preuve ne vienne avancer la théorie suivante, il semblerait que Cage ait choisi cette longueur de manière délibérée. En effet, quatre minutes et trente-trois secondes équivaut à 273′, l’opposé de la valeur en degrés Celsius du zéro absolu (température négative) où aucun mouvement ne peut se faire. Signe de la volonté d’atteindre le point mort d’où aucun son ne peut provenir. Une autre théorie, provenant du philosophe et spécialiste de John Cage, Daniel Charles, indique que 4’33 » pourrait être un ready-made à la Marcel Duchamp du fait que John Cage se trouvait en France lors de l’année de composition de l’œuvre et que sur les claviers de machines à écrire en AZERTY le 4 et le 3 correspondant au signe « ‘ » et «  » » – signifiant minute et seconde.

 

WATER WALK de John Cage (1959)

Dans cette vidéo, John Cage apparaît dans la très populaire émission de télévision I’ve Got A Secret, créée en 1952.

Le principe de ce jeu télévisé consiste en le fait d’inviter deux participants par émission, parfois en présence d’une star invitée. Chaque joueur est convié à faire deviner au public son « secret », après l’avoir chuchoté à l’oreille de l’animateur, alors qu’apparaît à destination des spectateurs télévisuels, en surimpression sur l’écran, la description du fameux « secret ». Le public est invité à deviner ce « secret », soit grâce ses propres questions, soit grâce à celles de l’animateur. Après quelques minutes, le joueur fait, dans la mesure du possible, la démonstration de ce « secret ».

John Cage, qui enseigne alors la Composition Expérimentale à la New School de NYC, annonce son secret : « I’m going to perform one of my musical composition… / The instruments I will use are : / a Water Pitcher / an Iron Pïpe, a Goose Call / a Bottle of Wine / an Electric Mixer / a Whistle / a Sprinkling Can / Ice Cubes / 2 Cimbals / a Mechanical Fish / a Quail Call / a Rubber Duck / a Tape Recorder / A Vase of Roses / a Selzer Siphon / 5 Radios / a Bathtub / and A GRAND PIANO. »

L’animateur, qui présente Cage comme « l’une des figures artistiques les plus controversées de son temps», propose alors de passer outre le jeu des questions-réponses et de lui offrir un instant télévisuel libre pour faire la « démonstration » de son travail de composition qu’il qualifie par erreur de « son expérimental ». Cage rectifie immédiatement en précisant : « musique expérimentale », avant de donner sa propre définition de la musique, réalisée à partir de « sons » produits par une série d’objets usuels – dont il va faire découvrir la musicalité au travers d’une interprétation de la pièce Water Walk.

La partition indique à l'exécutant une série d'actions à exécuter dans un temps donné, les chiffres indiqués au dessus des actions représentant les secondes.

Suit alors un magnifique manifeste de Cage sur la place du spectateur. L’animateur prévient : « peut-être que quelques auditeurs ne pourront supporter votre musique… Peut-être que certains riront même de vous». Et Cage de répliquer : « Pour moi, les rires sont comparables aux larmes ».
 

Texte de Christophe Kihm et Elie During initialement publié sur le blog de WFMU.

NINE BELLS de Tom Jonhson (1979)

Nine Bells est une des œuvres clés de Tom Johnson. La pièce propose un ensemble de cloches suspendues selon une grille de trois par trois, chaque cloche se situant approximativement à six pieds de sa voisine. Le dispositif scénique de Nine Bells constitue à la fois une installation musicale et une performance du percussionniste qui circule à l’intérieur et autour des cloches selon une déambulation précise d’après des formes géométriques variables tout au long des neuf parties qui composent l’œuvre.

Né dans le Colorado en 1939, Tom Johnson a étudié à l’université de Yale et avec Morton Feldman. Après 15 ans à New York, il s’installe à Paris, où il habite depuis 1983. Tom Johnson est généralement considéré comme un minimaliste : il travaille avec du matériel toujours réduit, en procédant toutefois de manière nettement plus logique que la plupart des autres minimalistes. Ce qui se traduit par un emploi fréquent de formules, de permutations et de séquences prévisibles. La production du compositeur Tom Johnson est à la fois large et vaste, comprenant de nombreuses voies d’expression, incluant l’opéra, des pièces pour la danse, le piano, les ensembles de chambre et orchestres.

7ème Mouvement :

Extrait de la représentation à Ecole Supérieure d'Art du Mans par Adam Weisman.