BEGONE DULL CARE, Norman Mc Laren (1949)

Dans sa quête de voir ce que l'on entend et entendre ce que l'on voit, Norman Mc Laren réalise Begone dull Care en 1949, un des plus beaux exemples de musique visuelle façonné à même la matière/pellicule selon les techniques du "Direct Film", par ajout de peinture sur de la pellicule transparente, par grattage de couches de couleurs successives sur la pellicule. Ce film expose de la manière la plus virtuose qui soit la complémentarité audiovisuelle et constitue l'un des films les plus incroyable dans le domaine de la musique visuelle.

LIGNES ET POINTS de Piotr Kamler (1966)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

En réalisant Lignes et points (1961), qui constitue un essai de création parallèle du son et de l’image, Piotr Kamler étend sa collaboration avec un nouveau jeune compositeur, François Bayle, pour un film totalement abstrait Piotr Kamler et François Bayle choisissent un matériau préalable : taches lumineuses violentes, lignes continues, moyens sonores. Après avoir défini ainsi des moyens plastiques et sonores, ils établissent en commun un découpage où sons et images sont considérés comme des éléments parallèles. Le résultat nous plonge dans un univers imaginaire, infini sidéral peuplé de sons étranges où surgissent et évoluent avec des mouvements tantôt lents, tantôt saccadés, des formes lumineuses, des taches lunaires et des fourmillements de points traversés parfois par des lignes immatérielles.

Le film donne la sensation visuelle d’impacts sonores, de taches floues, de coups de phares de voitures dans un tunnel par brouillard, de flashs très fugitifs et dynamiques, de rafales orientées, s’approchant, reculant, des effets de tunnel, de vides, de disparitions et d’entrées subites explosives.
Les sons, percussions et résonances semblent se calquer sur la thématique même de Lignes et points : les impulsions en tant que points, les résonances en tant que lignes. Si la musique est autonome et semble ne pas obéir à l’image, la synchronisation s’effectue alors presque de manière fortuite et aléatoire en une rencontre poétique de l’image et du son.
Lignes et points pour sons concrets acoustiques et images fait aujourd’hui partie d’un cycle plus vaste et s’intègre dans L’expérience acoustique (1966) pour quatre pistes et grand écran. Il intervient juste après Métaphore créé de toute pièce uniquement à partir de sources électroniques. Cette expérience lorsqu’elle est donnée aujourd’hui en concert, porte encore la marque indélébile du Service de la Recherche.
Il existe une autre version avec une autre partition de François Bayle pour sons instrumentaux.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

GANTZ GRAF de Autechre (2002)

Encore un exemple qui œuvre dans le sens d'une recherche audio graphique absolue, cette fois-ci sous la forme figurative d'une machinerie géante abstraite en mouvement dans le clip vidéo du morceau Gantz Graf, (2002) du groupe britannique Autechre, fondé en 1991 par Rob Brown et Sean Booth, devenu l'un des jalons du label Warp.

SYNTHESE AUDIO GRAPHIQUE dans l’œuvre de Ryoji Ikeda

Ryoji Ikeda fait partie de ces artistes qui ont toujours considéré la relation audiovisuelle comme constitutive de ses œuvres ; du concert à la performance, de l'installation sonore aux dispositifs audiovisuels.

Depuis les années 90-200 où la notion de performance AV voit le jour, notamment avec le collectif Dumb Type, Ryoji Ikeda oriente systématiquement son travail vers une relation audio graphique de plus en plus étroite qui trouve son expression achevée dans nombre de ses œuvres. En questionnant les éléments constitutifs de l'image et du son numériques, les data, il pousse toujours plus loin une relation audio graphique synchronisée jusqu'à fondre le son dans l'image et réciproquement l'image dans le son. On peut même aller jusqu'à dire que dans certaines performances ou installations, le son est l'image et l'image est le son.
en voici quelques exemples parmi les plus significatifs :

DATA.MICROHELIX, 2005, (Dataplex)

TEST PATTERN #1101 – 2008

DATAMATRIX – Live à Sonar (Barcelone) 2010

Lien vers le site de Ryoji Ikeda

DOTS de Norman McLaren (1940)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

McLaren poursuit en 1941 ses expérimentations avec la technique des sons optiques en modélisant la musique de Dots. Ne possédant aucun budget pour enregistrer une musique instrumentale, il entreprend comme il l’avait déjà expérimenté pour Book Bargain de « peindre les sons » (traits et formes minuscules) au pinceau et à la plume directement sur la piste sonore de la pellicule. Cela lui permet de renouer avec ses aspirations de cinéaste d’animation, alors qu’il rêvait de dominer toutes les phases de réalisation du matériau cinématographique.

Voir le documentaire de Norman McLaren A la pointe de la plume (1950) sur la technique de la peinture sonore sur pellicule

FIVE ABSTRACT FILM EXERCICES de John et James Whitney (1941-1944)

Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Dans les années qui suivent, John et James Whitney coréalisent une série de cinq petits films, Five Abstract Film Exercices, (1942-1945) qui radicalise la notion de synesthésie grâce à un appareil inventé par John Whitney, combinant une tireuse optique avec un jeu de pendule calibré. La grande innovation de cet appareil réside dans sa capacité à créer simultanément des images et des sons.
Les Five Abstract Film Exercices sont à plusieurs titres révolutionnaires et prophétiques de ce que l’art vidéo sera capable d’engendrer quarante ans plus tard. Leurs premières projections au Festival du film expérimental de Bruxelles en 1949, où ils obtinrent le « prix spécial » grâce à l’impact de la bande sonore et frappèrent les spectateurs par la bouleversante musique « électronique », « supraterrestre » et les lumineuses images « néons » qui semblaient être « tombées dans notre sphère temporelle en venant du futur de la science-fiction ». Obtenues au moyen de prismes, d’expositions multiples, de filtres de gélatine colorés et saturés, les images appartiennent à l’abstraction visuelle et ressemblent à des taches colorées se transformant dans un jeu de couleurs très vives.

L’esthétique avant-gardiste qui se dégage des Five Abstract Film Exercices ne provient pas seulement de la tonalité très novatrice du traitement visuel, mais également de la manière dont la bande-son fut créée. Le développement et le déploiement des formes géométriques suivent des principes musicaux : par exemple, le cinquième film de la série se développe en canon.

Voir l'article de Philippe Langlois sur John et James Whitney sur le site Pionniers et précurseurs
 

YEVGENY CHOLPO, pionnier russe de la synthèse optique

Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

La synthèse optique apparaît en URSS presque parallèlement aux recherches de Pfenninger et Fischinger en Allemagne. L’idée de produire du son synthétique sur pellicule a donc germé conjointement en deux parties distinctes du monde sans qu’il soit établi de relation directe entre les deux découvertes.
Dès 1932, Yevgeny Cholpo reprend l’idée de travailler sur les sons optiques au Conservatoire de Leningrad – Len Film- avec G. M. Rimsky-Korsakoff, à partir de l’oscillographie des sons naturels.

Cholpo développera, par la suite, sa propre méthode de production sonore et ce, jusqu’à inventer une machine qui mécanise l’animation du son. Il la baptise « variophone » : il s’agit d’un appareil photoélectrique qui fabrique des bandes-sons optiques à partir de disques en cartons évidés, tournant le long d’un axe et impressionnant la piste optique de la pellicule de façon mécanique.

De 1932, année du premier modèle, à 1948, Cholpo invente trois versions du variophone. Le deuxième voit le jour au sein du laboratoire d’animation des studios Len Film et c’est avec cet appareil que Cholpo réalise la majeure partie de son œuvre : La Danse du corbeau (1932),

La Symphonie du monde (1933), La Cinquième variation de la sonate pour piano de Beethoven, La Chevauchée des Walkyries et le Prélude de Rachmaninov (1934).

ORNAMENT SOUND de Oskar Fischinger (1931)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Au même titre que Rudolf Pfenninger, Oskar Fischinger peut être considéré comme l’un des pères de la synthèse optique. Peintre à l’origine, il se convertit au cinéma dans les années 1920 et réalise une oeuvre centrée la musique visuelle,
Ses travaux sur le graphisme sonore aboutissent à un film de huit minutes, Tönende OrnamentOrnament Sound –  en 1932, dans lequel il tente de formaliser scientifiquement l’utilisation du son optique en se libérant par conséquent de tout modèle musical préexistant. C’est à ce niveau que surgit la grande différence entre l’approche de Pfenninger et celle de Fischinger où il se concentre sur l’idée de modélisation du son à des fins synesthésiques et Pfenninger travaille quant à lui à reproduire une musique pour accompagner les péripéties de personnages animés.
En déclarant faire une musique de lumière – Lichtmusik – dans Ornement Sound, Oskar Fischinger  parvient à modeler une foule d’éléments sonores et de paramètres qu’il baptise également sons stéréoscopiques. Pour couvrir l’étendue des possibilités offertes par la synthèse optique, Fischinger doit réaliser de nombreuses tables de conversion afin de déterminer les formes d’ondes capables de produire des timbres distincts, des rythmes prédéterminés, des nuances contrôlées. Il tente ainsi de définir de manière scientifique le rapport exact qui unit le graphisme sur piste optique avec les bases théoriques du solfège musical.

 Voir l’article de Philippe Langlois sur Oskar Fischinger sur le site de Pionniers et précurseurs

RYTHMES de Robert Delaunay (1934)

Rythmes, 1934,

Centre Georges Pomidou, Paris.

 

Rythmes est un tableau représentatif de la longue série homonyme de peintures ou de reliefs créés par Robert Delaunay entre 1930 et 1938. Il atteste la radicalisation de ses recherches et le retour sur les formes circulaires. Il adopte le principe d'une composition fendue par une ligne de disque déroulée en diagonale sur le fond neutre, pour lui donner sa mobilité et son élan. le choix d'un module circulaire central, représentatif du support sur vinyl, décliné en noir et blanc, renforce le caractère inobjectif et optique de l'oeuvre, dont le rythme visuel est crée par les rapports de couleurs.

Rythme, joie de vivre, 1930

Centre Georges Pomidou, Paris.

Delaunay déclinera également la formule ans des compositions verticales, comme Rythme sans fin, 1934, où les disques sont entraînés dans un mouvement qui dresse cers le ciel les "colonnes sans fin" de Brancusi. Delaunay renoue alors avec la figure du disque coloré réinterprétant son approche du "cubisme orphique" des années 10. Le sens du mot "orphisme" fait clairement référence au poème d'Apollinaire Orphée (1908), qui traite de poésie pure, telle une sorte de « langage lumineux ». Une autre interprétation de ce terme est proposée : Le nom fait l'analogie de cette peinture avec la musique, en effet au début du XXe siècle la musique représentait l'art moderne par excellence, parfaitement abstraite donc pure et comportant une fonction totalisatrice. Elle pouvait réunir tous les arts, comme dans les opéras de Richard Wagner à travers le concept d'art total à travers le Gesamtkunstwerk)

Rythme sans fin, Huile sur toile, 1934

Centre Georges Pompidou, Paris