LA MARCHE DES MACHINES de Eugène Deslaw (1928)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Comme le signale Paul Gilson dans le papillon du film, La marche des machines est le fruit d’un très important traitement de l’image en laboratoire. Par des trucages à la tireuse optique, Deslaw développe lui-même négatifs et contretypes, augmentant certaines scènes, reprenant plusieurs motifs afin d’obtenir des rappels de rythmes. Pour accompagner cet aspect visuel marginal, l’instrument futuriste de Russolo est sollicité dans le cadre d’une projection cinématographique au Studio 28, à Paris où, pour la première fois, un son totalement nouveau accompagne des images, dans une interprétation de l’image qui surpasse, surtout au niveau du timbre, les improvisations des pianistes pendant les séances de cinéma muet. Il est malheureusement impossible de le vérifier, faute de document sonore –  les copies restantes de ce film étant désespérément silencieuses –  mais il semble que les différents modes de jeu et de timbre du rumorharmonium sur les images manipulées de Deslaw puissent avoir eu un réel pouvoir expressif, et avoir suscité à l’époque l’engouement des spectateurs. Cependant, Eugène Deslaw lui-même prend part à la querelle qui oppose partisans et détracteurs du cinéma sonore dans la revue londonienne Close Up :

« La conception de mon film ? Une conception entièrement « silencieuse ». La sonorisation de La Marche des machines m’a montré que plus la machine est parfaite, moins elle fait de bruit. Privée de ses bruits réalistes, réduite à la musique silencieuse de ses roues et de ses pistons, la machine gagne en valeur cinématographique, frappe mieux les nerfs. Elle parle mieux.  Mais, mais, mais… On ne fait plus de films muets. J’ai donc choisi de faire un film sonore le moins réaliste possible. L’accompagnement de Vers les robots sera réalisé avec le Rumharmonium du compositeur Russolo » .

Une affiche retrouvée au Musée Montmartre annonçant une projection au Studio 28 pour le vernissage de la 79ème exposition Prampolini en date du 15 novembre 1928 confirme que Deslaw se produit encore avec l’instrument insolite de Russolo. Cette affiche annonce en effet la projection de Tolstoï intime ainsi que La marche des machines, avec Russolo et son rumorharmonium.

La version qui est présentée ici a fait l’objet d’une tentative de reconstitution à partir d’une commande passée auprès du compositeur Xavier Garcia, prenant pour base cinq instruments bruiteurs de Russolo et n’opérant que des transformations électroacoustiques n’affectant principalement que le paramètre de hauteur du son.
Cette version a été donnée en avril 2004. au CNAC/ Centre Georges Pompidou dans le cadre de la rétrospective des films d’Eugène Deslaw sous le pilotage de Lubomir Hosejko et de Philippe-Alain Michaud.
une autre version live a également été montrée au Studio National des Arts Contemporains du Fresnoy, le 4 novembre 2004, dans le cadre d’une conférence de Philippe Langlois sur le thème de la symphonie de ville.

Attention la version montrée ici présente un décalage d’un photogramme par seconde du fait de la numérisation à partir d’une VHS.