I’M SITTING IN A ROOM de Alvin Lucier (1969)

I am sitting in a room different from the one you are in now. I am recording the sound of my speaking voice and I am going to play it back into the room again and again until the resonant frequencies of the room reinforce themselves so that any semblance of my speech, with perhaps the exception of rhythm, is destroyed. What you will hear, then, are the natural resonant frequencies of the room articulated by speech. I regard this activity not so much as a demonstration of a physical fact, but more as a way to smooth out any irregularities my speech might have.



Traduction :

Je suis assis dans une pièce différente de celle où vous vous trouvez maintenant / Je suis en train d’enregistrer ma voix et je vais la jouer dans la pièce encore et encore / Jusqu’à ce que les fréquences dues à la résonance de la pièce se renforcent elles-mêmes / De cette façon, toutes ressemblances avec mon discours, sauf peut être son rythme, seront détruites / Ce que vous entendrez alors, seront les résonances naturelles de la pièce, articulées par ma voix / Je conçois cette activité pas tant comme la démonstration d’un phénomène physique / Mais plus comme un moyen de lisser toutes les imperfections que ma voix pourrait avoir.
(Alvin Lucier, "I am sitting in a room", 1970).


« Ce qui m’intéresse, c’est le mouvement que le son effectue de sa source jusqu’à l’espace, sa qualité tridimensionnelle. Parce que les ondes sonores doivent bien aller quelque part une fois qu’elles sont émises. Ce qu’elles deviennent alors m’intéresse au plus haut point ».


Alvin Lucier

BEETHOVEN TRUMPET (WITH EAR) op # 133 de John Baldessari (2007)

Résine, Fibre de verre, bronze, aluminium, et électronique
186 x 183 x 267 cm
Saatchi Gallery, Londres

"On m'avait demandé de faire une rétrospective en 2007 à Bonn avec toutes mes œuvres qui touchaient la musique. Bonn est la ville natale de Beethoven et j'ai visité sa maison. Il avait un cabinet tout entier de cornets acoustiques qu'il a utilisés. J'étais vraiment fasciné par eux comme des formes sculpturales, en particulier celui qu'il avait conçu lui-même que je trouvais très beau. Cela faisait peut-être quatre ou cinq ans que j'avais commencé à travailler sur des œuvres en lien avec les parties du corps notamment le nez et les oreilles, l'idée des oreilles étaient donc dans mon esprit. Et puis à l'un de ces moment où l'on est encore éveillé à trois heures du matin, tout à coup, j'ai pensé, 'attendez une minute – l'oreille / le cornet."

En se penchant dans l’instrument, et en claquant des doigts, le cornet se met à jouer du Beethoven.

WATER WALK de John Cage (1959)

Dans cette vidéo, John Cage apparaît dans la très populaire émission de télévision I’ve Got A Secret, créée en 1952.

Le principe de ce jeu télévisé consiste en le fait d’inviter deux participants par émission, parfois en présence d’une star invitée. Chaque joueur est convié à faire deviner au public son « secret », après l’avoir chuchoté à l’oreille de l’animateur, alors qu’apparaît à destination des spectateurs télévisuels, en surimpression sur l’écran, la description du fameux « secret ». Le public est invité à deviner ce « secret », soit grâce ses propres questions, soit grâce à celles de l’animateur. Après quelques minutes, le joueur fait, dans la mesure du possible, la démonstration de ce « secret ».

John Cage, qui enseigne alors la Composition Expérimentale à la New School de NYC, annonce son secret : « I’m going to perform one of my musical composition… / The instruments I will use are : / a Water Pitcher / an Iron Pïpe, a Goose Call / a Bottle of Wine / an Electric Mixer / a Whistle / a Sprinkling Can / Ice Cubes / 2 Cimbals / a Mechanical Fish / a Quail Call / a Rubber Duck / a Tape Recorder / A Vase of Roses / a Selzer Siphon / 5 Radios / a Bathtub / and A GRAND PIANO. »

L’animateur, qui présente Cage comme « l’une des figures artistiques les plus controversées de son temps», propose alors de passer outre le jeu des questions-réponses et de lui offrir un instant télévisuel libre pour faire la « démonstration » de son travail de composition qu’il qualifie par erreur de « son expérimental ». Cage rectifie immédiatement en précisant : « musique expérimentale », avant de donner sa propre définition de la musique, réalisée à partir de « sons » produits par une série d’objets usuels – dont il va faire découvrir la musicalité au travers d’une interprétation de la pièce Water Walk.

La partition indique à l'exécutant une série d'actions à exécuter dans un temps donné, les chiffres indiqués au dessus des actions représentant les secondes.

Suit alors un magnifique manifeste de Cage sur la place du spectateur. L’animateur prévient : « peut-être que quelques auditeurs ne pourront supporter votre musique… Peut-être que certains riront même de vous». Et Cage de répliquer : « Pour moi, les rires sont comparables aux larmes ».
 

Texte de Christophe Kihm et Elie During initialement publié sur le blog de WFMU.

GALAXIE de Piotr Kamler (1964)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

« Entre le désir et le spasme, entre la puissance et l’existence, entre l’essence et la chute, tombe l’ombre ». C’est autour de cette citation de T-S Eliot que se développe le film abstrait de Piotr Kamler baignant dans une couleur à dominance rouge tant au niveau des arrières plans qu’au niveau des formes qui traversent l’écran afin d’évoquer de façon abstraite la vie et la puissance d’une forme rouge, lointaine galaxie, sur laquelle des éléments extérieurs, envahisseurs, apportent l’ombre et la destruction.
Film expérimental dont la diffusion à la télévision n’est pas mentionné dans le catalogue du Service de la Recherche et qui condense les travaux de recherche fondamentale audiovisuelle sur les notions d’objets visuels et sonores.

La musique de François Bayle, tout comme le film de Kamler, se déploie essentiellement à partir de trois éléments audiovisuels saillants : un arrière plan qui se développe tout au long du film qui se présente sous la forme d’une trame sonore ralentie obtenue, semble-t-il, à partir de tenues d’orgue mélangées avec des sons bruités pour accompagner la traversée des nuages de matières rouges, des sons percussifs en delta, joués à l’endroit à l’envers pour ponctuer l’apparition de formes moins nébuleuses à l’image, puis des sonorités qui rappellent l’amplitude et la dynamique du langage parlé improbable par le biais du filtrage pour figurer des fourmillements de matière et de formes qui dansent sur l’écran.
Cette approche audiovisuelle n’est pas sans rappeler Lignes et points, autre expérience audiovisuelle majeure qui réunit de nouveau Piotr Kamler et François Bayle.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

IMPRESSIONS DES ANDES de Vic Towas (1961)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Impressions des Andes est un film d’animation expérimental abstrait composé d’images non figuratives qui défilent sur l’écran en puisant son inspiration dans les motifs et les signes graphiques de l’ancienne civilisation Incas.

Ce film inédit qui n’a probablement jamais été programmé à la télévision – aucune date de diffusion ne figure dans le Catalogue du Service de la Recherche – explore la technique visuelle du « film direct » inventé en Angleterre par le cinéaste néo-zélandais Len Lye au début des années 30, consistant a réaliser un film sans l’aide de la caméra, en peignant directement sur une pellicule de 16mm transparente, ou en grattant une pellicule noire sur laquelle différentes couleurs ont été préalablement peintes avec l’aide de toute sortes d’ustensiles, pinceaux, brosses, peignes, instruments chirurgicaux afin de créer des formes et des textures. Impressions des Andes semble alors directement rendre un hommage maître du « Direct Film » et aux deux films de Len Lye qui inaugurent ces techniques : Color Box (1935) et Free Radical (1936).
A la rapidité des images de Vic Towas et à la vélocité des motifs qui parcourent l’écran, Edgardo Canton prend le parti d’une réponse musicale contrastée en composant une trame musicale richement bruitée qui évolue lentement tout au long du film.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

DANSE de Piotr Kamler (1961)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Court film d’animation abstrait centré sur une figure géométrique unique : une forme rectangulaire plate et colorée, pouvant évoquer une feuille de papier, tantôt rouge, tantôt bleue, saisie dans un mouvement rotatif, tournoyant dans l’espace à différentes vitesses sur un fond noir. En se multipliant, cette figure crée un dialogue de formes, de couleurs et de mouvements en correspondance ou en rupture avec des sons circulaires en suivant un rythme à la fois plastique et musical, tel un subtil jeu d’équilibre entre les images minimalistes de Piotr KAMLER et la musique concrète de Bernard Parmegiani.

Davantage considéré par son auteur comme une étude, ce film d’animation signe la première collaboration entre le cinéaste d’origine polonaise Piotr KAMLER et le compositeur Bernard Parmegiani, jetant les bases d’une recherche audiovisuelle fondamentale caractéristique des débuts du Service de Recherche. Une recherche que Piotr KAMLER prolonge avec la plupart des compositeurs du GRM : François Bayle, Robert Cohen-Solal, Luc Ferrari, Ivo Malec, Beatriz Ferreyra, etc. et qui se poursuivra bien au-delà de la dissolution du Service, en 1975, notamment avec son long métrage Chronopolis en 1982.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

FER CHAUD de Jacques Brissot (1960)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Dans ce film, Jacques Brissot dématérialise les sculptures « cybernétiques » de Nicolas Schoeffer tout comme il dématérialise le nom de l’artiste cinétique, dans son titre, le citant à l’envers, un procédé concret pour traduire le geste cinématographique qui consiste à n’en prélever que le mouvement, en posant entre ces œuvres et la camera un écran translucide. Purgée de ses détails, l’image ainsi obtenue propose une vision de cette sculpture réduite à des jeux de lumières en mouvement. Un montage rapide des images a été organisé sur un extrait d’une pièce électroacoustique de Iannis Xenakis.

Fer chaud s’inscrit lui aussi dans la série des films où l’image a été montée sur une musique préexistante à partir de Diamorphose de Iannis Xenakis.
Comme souvent dans les films du Service de la recherche, la synchronisation du son y est en quelque sorte déconnectée du montage image tout en ménageant des points de rencontre audiovisuels très saillants. Dans Fer chaud, le montage visuel cherche à amplifier le mouvement des formes et des lumières des sculptures en mouvement qui dansent sur l’écran. Offrant un grand contraste audiovisuel, les inflexions lentes de la musique de Xenakis se calent alors davantage sur la morphologie et l’amplitude de ces mouvements visuels internes que sur le rythme serré de l’image.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

JOURS DE MES ANNEES de Max de Haas (1959)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Ce court-métrage expérimental du réalisateur néerlandais Max de Haas évoque les moments de la vie d’un homme recréés par la magie du souvenir. Réalisé à partir de documents de provenances variées, ce film est composé de plusieurs tableaux : les étapes du jour et de la vie entre la joie et l’insouciance de la jeunesse, la cruauté du monde du travail, l’horreur de la guerre, l’issue finale mise en perspective avec la naissance d’un enfant, perpétuant ainsi le cycle de la vie. Cet assemblage de documents en provenance de diverses sources devient le prétexte pour Bernard Parmegiani d’imaginer une musique de collage dite « musique patchwork », une correspondance musicale adéquate composée donc de plusieurs sources : une composition propre, des extraits d’orgue de Barbarie de Roy DE WAARD et une musique de Michel Legrand.

Après une première collaboration avec le GRMC (Groupe de Recherches et de musique concrète) à l’occasion de son film Maskerage – premier film en 1950 à bénéficier d’une musique concrète signée Pierre Schaeffer, Max De Haas est de retour dans les studios de la musique concrète pour y réaliser la musique de Jours de mes années, aux côtés de Bernard Parmegiani.
Avant même de débuter la composition de son étude de stage en 1961, Bernard Parmegiani se trouve donc déjà confronté à la création sonore pour l’image avec ce film de Max De haas. Une passion qui ne le quittera jamais avec plus de quatre-vingts musiques de films inscrites dans son catalogue.

Ce film a été primé au festival de Cannes en 1960 en recevant la Mention d’honneur. 

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

LA CHUTE D’ICARE de Gérard Patris (1960)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Film d’une grande beauté abstraite, La chute d’Icare propose le grossissement par la camera d’un matériau concret, du simple sable posé sur un écran à plat illuminé par derrière, pour révéler les changements de forme et les mouvements de la matière une fois mis en contact avec les éléments : eau, feu, terre et air. Un soin particulier a été apporté à la correspondance entre le son et l’image : les compositions de l’image (couleurs, nœuds de densité, mouvements) trouvent de façon étonnante leur équivalence sur le plan sonore dans la musique de Mireille Chamass.

Comme pour les objets sonores, la notion d’objet visuel repose sur sa représentation dans une dimension décontextualisée afin que l’objet n’existe que par lui-même, sans être rattaché à une quelconque causalité. Ce cinéma d’objets visuels privilégie ainsi les gros plans sur des objets de la nature, des voyages au centre de la matière, des jeux de lumières et de couleurs capables de révéler un monde complet à explorer et dessine au fond le même projet que la musique concrète.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.