I’M SITTING IN A ROOM de Alvin Lucier (1969)

I am sitting in a room different from the one you are in now. I am recording the sound of my speaking voice and I am going to play it back into the room again and again until the resonant frequencies of the room reinforce themselves so that any semblance of my speech, with perhaps the exception of rhythm, is destroyed. What you will hear, then, are the natural resonant frequencies of the room articulated by speech. I regard this activity not so much as a demonstration of a physical fact, but more as a way to smooth out any irregularities my speech might have.



Traduction :

Je suis assis dans une pièce différente de celle où vous vous trouvez maintenant / Je suis en train d’enregistrer ma voix et je vais la jouer dans la pièce encore et encore / Jusqu’à ce que les fréquences dues à la résonance de la pièce se renforcent elles-mêmes / De cette façon, toutes ressemblances avec mon discours, sauf peut être son rythme, seront détruites / Ce que vous entendrez alors, seront les résonances naturelles de la pièce, articulées par ma voix / Je conçois cette activité pas tant comme la démonstration d’un phénomène physique / Mais plus comme un moyen de lisser toutes les imperfections que ma voix pourrait avoir.
(Alvin Lucier, "I am sitting in a room", 1970).


« Ce qui m’intéresse, c’est le mouvement que le son effectue de sa source jusqu’à l’espace, sa qualité tridimensionnelle. Parce que les ondes sonores doivent bien aller quelque part une fois qu’elles sont émises. Ce qu’elles deviennent alors m’intéresse au plus haut point ».


Alvin Lucier

WATER WALK de John Cage (1959)

Dans cette vidéo, John Cage apparaît dans la très populaire émission de télévision I’ve Got A Secret, créée en 1952.

Le principe de ce jeu télévisé consiste en le fait d’inviter deux participants par émission, parfois en présence d’une star invitée. Chaque joueur est convié à faire deviner au public son « secret », après l’avoir chuchoté à l’oreille de l’animateur, alors qu’apparaît à destination des spectateurs télévisuels, en surimpression sur l’écran, la description du fameux « secret ». Le public est invité à deviner ce « secret », soit grâce ses propres questions, soit grâce à celles de l’animateur. Après quelques minutes, le joueur fait, dans la mesure du possible, la démonstration de ce « secret ».

John Cage, qui enseigne alors la Composition Expérimentale à la New School de NYC, annonce son secret : « I’m going to perform one of my musical composition… / The instruments I will use are : / a Water Pitcher / an Iron Pïpe, a Goose Call / a Bottle of Wine / an Electric Mixer / a Whistle / a Sprinkling Can / Ice Cubes / 2 Cimbals / a Mechanical Fish / a Quail Call / a Rubber Duck / a Tape Recorder / A Vase of Roses / a Selzer Siphon / 5 Radios / a Bathtub / and A GRAND PIANO. »

L’animateur, qui présente Cage comme « l’une des figures artistiques les plus controversées de son temps», propose alors de passer outre le jeu des questions-réponses et de lui offrir un instant télévisuel libre pour faire la « démonstration » de son travail de composition qu’il qualifie par erreur de « son expérimental ». Cage rectifie immédiatement en précisant : « musique expérimentale », avant de donner sa propre définition de la musique, réalisée à partir de « sons » produits par une série d’objets usuels – dont il va faire découvrir la musicalité au travers d’une interprétation de la pièce Water Walk.

La partition indique à l'exécutant une série d'actions à exécuter dans un temps donné, les chiffres indiqués au dessus des actions représentant les secondes.

Suit alors un magnifique manifeste de Cage sur la place du spectateur. L’animateur prévient : « peut-être que quelques auditeurs ne pourront supporter votre musique… Peut-être que certains riront même de vous». Et Cage de répliquer : « Pour moi, les rires sont comparables aux larmes ».
 

Texte de Christophe Kihm et Elie During initialement publié sur le blog de WFMU.

NINE BELLS de Tom Jonhson (1979)

Nine Bells est une des œuvres clés de Tom Johnson. La pièce propose un ensemble de cloches suspendues selon une grille de trois par trois, chaque cloche se situant approximativement à six pieds de sa voisine. Le dispositif scénique de Nine Bells constitue à la fois une installation musicale et une performance du percussionniste qui circule à l’intérieur et autour des cloches selon une déambulation précise d’après des formes géométriques variables tout au long des neuf parties qui composent l’œuvre.

Né dans le Colorado en 1939, Tom Johnson a étudié à l’université de Yale et avec Morton Feldman. Après 15 ans à New York, il s’installe à Paris, où il habite depuis 1983. Tom Johnson est généralement considéré comme un minimaliste : il travaille avec du matériel toujours réduit, en procédant toutefois de manière nettement plus logique que la plupart des autres minimalistes. Ce qui se traduit par un emploi fréquent de formules, de permutations et de séquences prévisibles. La production du compositeur Tom Johnson est à la fois large et vaste, comprenant de nombreuses voies d’expression, incluant l’opéra, des pièces pour la danse, le piano, les ensembles de chambre et orchestres.

7ème Mouvement :

Extrait de la représentation à Ecole Supérieure d'Art du Mans par Adam Weisman.

SYMPHONIE MECANIQUE de Jean Mitry (1955)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

De 1952 à 1956, le cinéaste et théoricien du cinéma Jean Mitry fréquente les studios de Pierre Schaeffer. Au-delà de ses propres recherches théoriques, Jean Mitry cherche, comme précédemment avec son film Pacific 231 (1949) – construit sur la partition d’Arthur Honegger – à retrouver l’esprit du cinéma d’avant-garde des années 20.

La note d’intention du film de Jean Mitry met également en exergue une mise en valeur des rythmes mécaniques de la vie industrielle contemporaine, transposant le rythme des machines, en un « poème lyrique ». La conjonction du mouvement et des sonorités doit transcender la réalité. En ce sens, il rejoint également l’idée de symphonie de ville dont il est l’un des admirateurs. La musique est fondée sur la rythmique d’un découpage qui s’accorde justement avec les conditions d’un rythme mécanique heurté, violemment cadencé et mesuré. Le scénario du film, c’est-à-dire ce découpage, prévoit avec le mouvement propre et la cadence des machines, le temps relatif de chacun des plans, il fournit en quelque sorte une première structure rythmique sinon musicale de l’ensemble. Pierre Boulez a ainsi créé la substance et l’organisation musicale de son œuvre à partir de cette forme préétablie, en s’y conformant aussi près que possible. Après quoi, la construction et le montage du film s’inscrivent d’eux-mêmes dans la donnée musicale définitive, avec un ajustement du montage final sur les articulations musicales.

« dans cet essai cinématographique en cinémascope (…) des équivalences entre la musique sérielle de Pierre Boulez et les images de machines en mouvement » sont établies. En guise de cinémascope, Mitry opte pour un système de projection en triple écran, à la manière d’Abel Gance, dont on ressent une fois de plus l’influence déterminante.

ORIENT OCCIDENT de Enrico Fulchignoni (1962)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

A l’occasion d’une exposition de sculpture organisée au musée Cernuschi en 1959 sur le thème des rapports entre l’orient et l’occident à travers cinquante siècles d’art, Enrico Fulchignoni tente de montrer comment, à travers l’art égyptien, l’art grec a été influencé par les arts étrusques et orientaux. Le commentaire de Pierre Henry dit par Pierre Chambon et les maniements de camera soulignent les ressemblances qui existent entre les diverses statuettes sculptées, au niveau des profils, des sourires, des attitudes. La musique originale de Iannis Xenakis, douce, lente, lointaine, semble rendre hommage à ces civilisations disparues.

Orient Occident est une œuvre à part dans le corpus des pièces électroacoustiques de Xenakis contrastant avec les autres œuvres composées au GRM dans les années 50-60, Diamorphoses, Concret PH, Analogique B et Bohor.
Orient Occident travaille au niveau de l’objet sonore sur la base d’un instrumentarium principalement constitué de percussions métalliques. La musique fonctionnant par vague, tel un grand flux /reflux de matière sonore, et s’équilibre harmonieusement avec commentaire de Pierre Henry dit par Pierre Chambon qui s’intègre pour ne pas dire fusionne avec la musique de Xenakis. Les longues trames de son, ainsi que les bribes de matières sonores qui se développent sur les images de sculptures très anciennes semblent également nous convier à un voyage sonore vers des temps immémoriaux. La musique tente de matérialiser le passé à travers la mémoire des sons et l’imaginaire relié à l’emploi de la matière sonore brute : le bois, le métal.
En maître de la densité de la matière musicale Xenakis tente avec cette musique de pénétrer les couches de matières temporelles qui séparent et relient la culture occidentale aux civilisations anciennes.

Durée : 20′

Production : Unesco

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

ETUDE DE STAGE : REFLETS de Ivo Malec (1961)

Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Chaque jeune compositeur / stagiaire qui fréquente les studios de la musique concrète doit se plier à la composition d'une étude de stage volontairement soumise aux règles de la recherche fondamentale et à une discipline compositionnelle établie par Pierre Schaeffer reposant sur une partition préétablie.

Les règles sont les suivantes : choix limités aux sons définis par la typologie schaefferienne, leur utilisation exclusivement dans la forme originale issue de la prise de son et, pour finir, leur répartition dans le temps d'après un schéma directeur rigoureux.

Ci-après la partition préalable inédite annotée de la main de Ivo Malec.

 

A partir de ce schéma directeur, Ivo Malec compose Reflets à l'issue de son premier stage au GRM en 1961.

Ci après, en exclusivité : Le fac similé totalement inédit de la partition manuscrite de Reflets de Ivo Malec d'après le film éponyme de Piotr Kamler (1961).

POEME SYMPHONIQUE POUR 100 METRONOMES (1962) de Gyorgy Ligeti

Même si le métronome est un appareil que tout musicien possède pour travailler son instrument, il n'est pas, à proprement parler, un instrument de musique. Aussi, lorsqu'en 1963, le compositeur hongrois Gyorgy Ligeti crée son Poème symphonique pour 100 métronomes, à Hilversum (Pays Bas), sous sa propre direction, il déclenche un véritable scandale.
Très proche de George Maciunas et Nam June Paik, Ligeti gravite alors dans le sillage du mouvement Fluxus dont on sent toute l'influence dans cette pièce musicale qui relève autant de la musique expérimentale que de l'installation plastique.
Le métronome qui, d'ordinaire, symbolise la rigueur musicale extrême se mue ici en un chaos rythmique que le réglage des cent métronomes à des vitesses différentes ne fait que renforcer. Une oeuvre dont le déroulement permet néanmoins de retourner à la fonction première du métronome lorsque, au terme de la pièce  – qui dure vingt minutes environ  – il ne demeure plus qu'un seul métronome en action.

 ″Les cent métronomes, que l'on laisse battre jusqu'à épuisement, dévidant leur mécanisme de façon simultanée mais à des vitesses différentes, produisent un nuage sonore dont le ″grand diminuendo rythmique″ s'impose comme le ″premier exemple de musique minimale″ (Ligeti) […] ″.

Comme dans les pièces instrumentales de Ligeti, cette oeuvre constitue une expérience sur la matière sonore, en l'occurrence rythmique, exploitant l'idée de modification lente d'un paysage sonore.

Dans la partition, Ligeti indique que l'exécution de la pièce nécessite dix exécutants sous la direction d'un chef d'orchestre pour remonter au maximum le ressort des métronomes et régler les vitesses comme indiquée sur la partition. Au signal du chef, les cent métronomes sont actionnés simultanément. C'est alors, seulement, que le public est invité à pénétrer dans la salle de concert pour s'installer alors que les métronomes s'arrêtent les uns après les autres.

En 1995, le sculpteur Gilles Lacombe, très impressionné par l'écoute de cette œuvre imagine un dispositif qu'il met six mois à concevoir et qui en simplifie considérablement l'exécution grâce à un mécanisme qui démarre simultanément les cent métronomes . C'est avec ce dispositif qu'est présenté ici cette version du Poème symphonique pour cent métronomes, diffusée dans l'émission de création télévisuelle d'Arte, Die Nacht, produite par Paul Ouazan.

Poème symphonique pour cent métronomes (1962)
Création : le 13 septembre 1963, à Hilversum (Pays-Bas), sous la direction du compositeur.

Editeur : Schott
 

ARTIKULATION de Gyorgy Ligeti

En 1957-58, Gyorgy Ligeti est invité au Studio de musique électronique de Cologne pour y composer une œuvre purement électronique qui s'intitule Artikulation, titre qu'il faut comprendre en tant qu'articulation d'un langage cybernétique imaginaire à travers la forme du dialogue.

En 1970, Rainer Wehninger réalise la "partition d'écoute" de cette oeuvre et livre dans la notice les procédés suivis par le compositeur pour réaliser cette pièce anthologique.

Notice originale traduite ici de manière totalement inédite Artikulation traduction française

Consulter la Nomenclature électronique de la partition.


Edition SHOTT 6378