GUITAR DRAG, Christian Marclay (1999)

Le 18 novembre 1999, Christian Marclay réalise Guitar Drag un film de 14′ qui documente une performance qu’il a mené à San Antonio dans le désert du Texas mettant en scène une guitare tiré au bout d’un corde par un pick up équipé d’un puissant ampli déposé dans le coffre à l’arrière du véhicule.

« Guitar Drag possède de nombreuses couches de références, il fait allusion au rituel qui consiste à briser les guitares électriques dans les concerts de rock, il rappelle Fluxus et ses nombreuses destructions d’instruments. C’est aussi un road movie, faisant référence au paysage du Texas où il a été tourné, avec des références aux cow-boys et aux rodéos. Il s’agit de la violence en général et plus particulièrement du lynchage de James Byrd Jr. qui a été traîné jusqu’à la mort derrière un “pickup-truck“. Je souhaite que la vidéo comporte ces multiples couches et déclenche l’imagination des gens dans des directions contradictoires. La pièce finit par être à la fois séduisante et répugnante.

* « Guitar Drag has many different layers of references, it alludes to the ritual of smashing guitars in rock concerts, it recalls Fluxus and its many destruction of instruments. It is also a road movie, with reference to the landscape of Texas where it was filmed, with references to cowboys and rodeos. It is about violence in general and more specifically about the lynching of James Byrd Jr. who was dragged to his death behind a pickup-truck. I want the video to have these multiple layers and trigger people’s imagination in contradictory ways. The piece ends up being seductive and repulsive at the same time ».

Christian Marclay, 2001, livret de l’édition vinyl par le label suédois Neon Records en 1500 exemplaires publiée en 2006.

BEGONE DULL CARE, Norman Mc Laren (1949)

Dans sa quête de voir ce que l'on entend et entendre ce que l'on voit, Norman Mc Laren réalise Begone dull Care en 1949, un des plus beaux exemples de musique visuelle façonné à même la matière/pellicule selon les techniques du "Direct Film", par ajout de peinture sur de la pellicule transparente, par grattage de couches de couleurs successives sur la pellicule. Ce film expose de la manière la plus virtuose qui soit la complémentarité audiovisuelle et constitue l'un des films les plus incroyable dans le domaine de la musique visuelle.

GERMINATION, de Jean-Luc Hervé, (2013), Images d’une œuvre #16

Ce film s’inscrit dans la série documentaire « Image d’une oeuvre » produite par l’Ircam qui vise à documenter aujourd’hui, tout le déroulement du processus créatif d’un compositeur ou d’une compositrice confronté à l’utilisation de la technologie pour prolonger les enjeux artistiques et expressifs de son projet musical.

Film de Christian Bahier et Philippe Langlois

Germination est un concert-installation, performance qui enchaîne une installation sonore a une pièce de concert. L’œuvre à pour modèle le développement végétal de la graine en sous-sol à la plante en surface.

(2013) f, de Natacha Nisic

Vidéo, couleur, sonore, 18 min.

f, comme Fukushima (2013). Deux ans après la catastrophe, Natacha Nisic se rend à Fukushima et observe les paysages, les villages et les habitants qui ont subi les ravages du tsunami et des radiations de la centrale. Grâce à un dispositif composé d’un travellig de 25 mètres et de miroirs verticaux de 30 centimètres de large disposés à différents intervalles, l’artiste permet au spectateur de voir en même temps le champ et le contre-champ, l’avant et l’après. Lorsque la caméra passe devant un miroir, une image mobile du contre-champ se déplace en travelling horizontal dans la direction opposée sur la largeur du miroir. Cela constitue, sans trucage, le jeu d’une image dans une autre, d’un mouvement dans un autre, d’un paysage et de son contraire. Le dispositif permet de conjuguer le temps des déplacements et des espaces en un seul regard.

L’ANGE, de Patrick Bokanowski (1984)

La mise en scène de gestes anodins et primordiaux de la vie est présente dans les trois premiers films de Patrick Bokanowski, La femme qui se poudre (1972), Le déjeuner du matin (1979) et trouve son accomplissement dans L’ange (1984), accompagnés de cette obsession répétitive qui caractérise également la musique de Michèle Bokanowski. Avec des frottements de tôle répétés, joués à l’archet et transformés dans La femme qui se poudre, des fragments de quatuor à corde retravaillé et mis en boucle dans L’ange, Michèle Bokanowski s’accorde à prolonger véritablement la structure intrinsèque de l’image. A tous les niveaux, la transformation est érigée en principe fondateur. Avec le couple Bokanowski, le cinéma devient l’art de fabriquer un monde de l’imaginaire entièrement subjectif.
Michèle Bokanowski établit son vocabulaire sur la même base que les images : éléments concrets retravaillés (objets sonores ou instruments), mise en boucle, déphasage et multiplication créant une tension et à un paroxysme avant d’entrer dans une nouvelle séquence.
Si Patrick Bokanowski se passionne pour les gestes du quotidien, c’est plutôt ce qui se passe à l’intérieur des personnages, pendant qu’ils font ces gestes, qui motive Michèle Bokanowski. Elle parvient, ainsi, à matérialiser l’impossible état de tension auquel les personnages sont soumis, prisonniers de leurs gestes et de l’univers étouffant qui les environne.
Le plus souvent, la musique crée une distance avec l’image sauf à certains moments, où des synchronismes très marqués apparaissent furtivement, comme quelque chose qui tombe brutalement sur l’image et à laquelle on ne s’attend pas, créant une surprise totale renforçant cette temporalité déviée qui n’appartient qu’à l’instant.

LUDWIG VAN de Mauricio Kagel (1970)

Pour le bicentenaire de la naissance de Beethoven en 1970, Mauricio Kagel entreprend la réalisation de "Ludwig van", première de ses réalisations cinématographiques, conçue comme une véritable interrogation sur l'utilisation de la musique de Beethoven.

Ce film en noir et blanc est volontairement décalé, dérangeant, irrespectueux, voire provocateur.
Les codes traditionnels de la narration sont transgressés au sens linéaire du terme à travers un  film constitué de scènes, sans lien entre elles hormis la figure légendaire du grand compositeur romantique.

 

Nous visitons ainsi des lieux où Beethoven a vécu : son cabinet de travail, pièce entièrement recouverte de notes de musique ; sa cave, débarras empli de bouteilles de vin ; son grenier, où s'empilent des partitions de compositeurs du XIX et XXe siècles ; sa salle de bain, dans laquelle la baignoire est remplie de bustes de… Beethoven, qui sont enlevés les uns après les autres.
Ni reportage documenté, ni film biographique, Kagel use et abuse de l'anecdote pour détourner les codes du film "en hommage à " et tenter de constituer un portrait en creux, provoquant, prenant par surprise, agaçant même de manière désopilante.

Dans le désordre, il donne à voir un débat télévisé ridicule sur Beethoven et sa musique ; une évaluation des capacités physiques, morales et psychiques de la musique de Beethoven sur les interprètes (cette partie est l'une des plus comiques) ; une interview, dans un champ, d'un descendant de Beethoven…

Le film se termine au zoo, par des scènes présentant des animaux dans des attitudes aussi éloquentes que possible, voire scatologiques, en particulier la séquence où sous la baguette de Herbert von Karajan, la musique de Beethoven est accompagnée visuellement par la défécation d'un gros pachyderme, ce qui peut être interprété comme une métaphore à la fois comique et insultante renvoyant au style de direction quelque peu "ampoulé" de Karajan.

L'épisode de la chambre constitue une véritable installation plastique dans le sens où Kagel à recouvert toutes les surfaces du cabinet de travail de ses partitions. Pas une seule parcelle n'est épargnée : miroirs, table de travail, chaise, piano, sol, porte, etc.  La musique de cette séquence est une interprétation "à la volée" des morceaux de partition d'un quatuor qui ne peut que jouer les parties captées par la caméra. En ce sens cette partie forme un véritable collage généralisé, visuellement et musicalement qui donne à entendre la musique déconstruite de Beethoven en une sorte d'illusion et de réminiscence de tout l'œuvre du compositeur.

L'extrait qui suit propose une immersion dans le cabinet de travail de Beethoven recouvert de toutes ses partitions.

Le film est disponible dans un coffret "The Mauricio Kagel Edition" (2 CD + DVD)

IMAGINARY LANDSCAPE NO.4 de John Cage (1951)

Imaginary Landscape n°4 est dédicacée à Morton Feldman. Vingt-quatre manipulateurs sont nécessaires pour exécuter cette œuvre, soit deux par poste de radio : le premier pour varier les fréquences, le second pour contrôler le volume.

Il semble futile voire contradictoire ici, de vouloir rendre compte de la portée de cette œuvre à travers les instants immuables de l’enregistrement vidéo qui fige l’exécution d’une partition qui, intrinsèquement, cherche le renouvellement permanent et l’indétermination lors de chacune de ses interprétations. Aussi, les enregistrements qui illustrent ce propos ne sont ils pas des contre-exemples de ce que Cage cherchait précisément à approcher : l’indétermination dans l’instant de chacune de ses exécutions ?

Le percussionniste Lê Quan Ninh, spécialiste de l’interprétation de la musique de John Cage, indique que cette œuvre ne doit pas être interprétée de manière frontale mais que les postes de radio doivent au contraire être dispersés dans l’espace. La pièce ne doit pas non plus être dirigée par un chef d’orchestre. Aussi les deux exemples qui suivent semblent très loin d’une représentation idéale.

Extrait d’un article de Catherine De Poortere,

Le poste de radio, dont John Cage extrait du son aléatoire comme il pourrait le faire de n’importe quel objet trouvé, figure au centre de deux performances (1951 et 1956) d’une sobriété presque contemplative, désintéressée. D’un effet vertigineux, ces mises en scène n’en demeurent pas moins simples et ordinaires. Au milieu du siècle des avant-gardes, John Cage n’est pas de ceux qui, sans discernement, exaltent le progrès et cherchent à s’en prévaloir. En art comme dans la société, dans les faits comme dans la vie, l’innovation technique, qu’elle soit littérale, ludique ou même subversive, ne tient lieu ni de style ni de contenu. Aux yeux de cet artiste pluridisciplinaire mais radical, il n’est d’art que vivant, émancipateur, toujours en devenir. L’œuvre ne peut se donner comme forme fixe, forme inerte, sclérosée; c’est là le cadavre de l’art peut-être – si tant est que l’art n’abolisse pas nécessairement sa propre fin.

C’est ainsi que Cage procède : cadrer pour libérer. Les amateurs de notations originales trouveront leur bonheur en examinant les « partitions » de « Radio music » et « Imaginary landscape n°4 », sur lesquelles l’artiste détaille écarts de fréquences, silences et autres spécificités hertziennes, d’abord sur une portée puis directement en chiffres et en traits de façon à ouvrir au maximum le spectre de manœuvre. Ces deux morceaux, qui emploient chacun une dizaine de postes et le double en exécutants, sont voués à être uniques (on ne tient pas compte des enregistrements « historiques », contradiction dans les termes), d’autant que la radio évolue sans cesse, en forme et en contenu. Si la radio n’est guère qu’un objet sonore parmi d’autres pour John Cage, plus encore que le piano arrangé, elle est l’instrument de l’indétermination par excellence. Sa multiplicité reflète la multiplicité de tous, reflète plus encore la multiplicité d’un seul – et parfois même elle paraît porter la gravité de son destin. Unanime et ressemblante, est-elle l’expression de tous ou d’un seul ? Ou, immanence ingrate, ne dévoile-t-elle qu’un visage rassemblé, difforme – son visage arbitraire ?

La radio n’a pas de sens, elle les contient tous, n’en retient aucun. L’ampleur d’un paysage imaginaire est sans limites. À l’écoute, on se trouve d’emblée transporté comme dans un long voyage en voiture. Il arrive toujours un moment où dans la torpeur de la monotonie, on allume distraitement la radio. À tâtons (qu’est-ce qu’on cherche ? qu’est-ce qu’on attend ?), on s’abandonne aux ondes indistinctes, cela peut durer des dizaines de minutes, entre deux villes sur l’autoroute il n’y a pas grand-chose, on passe trop vite d’une chaîne à l’autre, tout est fluide, les parasites collent les bribes de voix, les langues inconnues, les notes de musique, les cris, les rires… La radio est ce médium acousmatique qui ne supprime certaines formes du silence, de la solitude et du vide que pour les remplacer par d’autres, plus insidieuses, plus redoutables, car plus banales… Voilà ce qu’évoquent ces deux morceaux de Cage, ces temps de dérive, ces temps abstraits infiniment creux où, sans se l’avouer, ce qu’on écoute à la radio c’est la radio elle-même, totalité incohérente, continue et discontinue, lugubrement rassurante, berceuse appropriée au demi-sommeil, à la folle rêverie de la pure passivité.

RADIO MUSIC de John Cage (1956)

 

Radio Music (1956) d'une durée de 6 minutes peut être jouée en solo et jusqu'à 8 exécutants.

Cette pièce fut crée le 30 mai 1956, aux  États-Unis, à New York City, au Carl Fisher Haller, par John Cage, Maro Ajemian, David Tudor, Grete Sultan et les membres du Juilliard String Quartet.

La partition n'est composée que de chiffres indiquant 56 fréquences ainsi que des tirets indiquant des silence. De plus il y a 4 mouvements qui peuvent être marqués ou non par des silences.

DANS CE JARDIN ATROCE de Jacques Brissot (1964)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Dans ce jardin atroce est le premier épisode d’un projet d’essai télévisuel présenté sous la forme d’une trilogie d’environ une heure, réalisée sur plusieurs années qui comprend également les films documentaires Présent du fleuve (1959) qui se déroule en 400 av J.-C. constituant une sorte de documentaire imaginaire d’après les histoires d’Hérodote et, Egypte Ô Egypte (1962), dernier film de la série et titre générique de l’ensemble, qui renoue avec la mythologie de la mort. Pour Dans ce Jardin atroce, Jean Cocteau y est à la fois le narrateur et l’auteur du texte tiré de Malesh sur des images d’Egypte.

Les trois volets bénéficient de la musique de Luc Ferrari. Ce film est conçu comme une déambulation à travers la vallée de Thèbes et le temple de Karnak. – « Lire les temples d’Egypte comme un livre d’histoire est absurde » dit Jean Cocteau. Jacques Brissot nous propose donc une sorte de voyage contemplatif à travers le chaos des ruines, les restes d’une gigantesque termitière qui composent un véritable échiquier de sable de dimension cosmique. – Ruines embauchant des statues, statues défigurées par la foudre qui retournent au sable, fresques, portiques, obélisques, rebus déconcertants de hiéroglyphes, perspectives de Sphinx à tête de béliers, pyramides qui sont « l’aimant du ciel pour la terre et de la terre pour le ciel », nous opposent un silence mortel et effrayant.

Le chargement de cette vidéo prend un peu de temps…

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

ETUDE 65 de Piotr Kamler (1965)

 

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Comme son titre l’indique ce film est une étude qui reprend un essai cinématographique plus ancien intitulé Continu discontinu (1960), film expérimental construit comme un voyage intersidéral à la vitesse de la lumière qui nous introduit dans un monde planétaire inconnu, prétexte à une exploration de la matière comme Piotr Kamler les affectionne. Sur fond noir des formes circulaires se détachent, se rapprochent, s’éloignent comme autant d’organismes aux couleurs vives. La matière est dense et presque palpable contrastant avec des lignes effilées qui rehaussent le dynamisme des mouvements à l’intérieur de l’écran. Ce petit film abstrait aux couleurs minérales est une application de la technique des poudres au procédé d’animation. Un procédé optique qui permet de mettre en lumière la matière utilisée. Le film est habité par une musique qui devient si intense qu’elle en finit par disparaître laissant cet essai inachevé dans le silence d’une bande sonore qui finit par disparaître.

Etude 65 se présente comme une nouvelle proposition de sonorisation à partir du film préexistant de Piot Kamler Continu discontinu (1961), originellement découpé en deux parties respectivement composées par Luc Ferrari et Iannis Xenakis. Cette nouvelle proposition audiovisuelle de la deuxième partie bénéficie donc d’une musique concrète de Beatriz Ferreyra ce qui en fait une expérience audiovisuelle singulière et l’un des rares films possédant plusieurs musiques originales.

Conçu avant tout comme une expérimentation audiovisuelle pure la fin du film n’est pas achevée.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.