APPETIT D’OISEAU de Peter Foldès (1966)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Non sans rappeler le film de Bertold Bartosh, L’idée en 1934 sur une musique de Arthur Honegger à base d’ondes Martenot, ce court film d’animation de Peter Folldès est un conte onirique sur le thème éternel que poursuit l’artiste dans la plupart de ses films, à savoir les rapports entre l’homme et la femme. Un garçon poursuit une fille, mais voici qu’il se métamorphose en lion tandis qu’elle se transforme en oiseau. Quelles vont être les conséquences de cette mutation ? Existe-t-il une autre issue à cette situation que celle imposée par la loi du plus fort, au delà de ce que guident les apparences ?

A la manière d’une musique de dessin animé, la musique de Geneviève Martin vient ponctuer la trame narrative de ce court métrage en dynamisant le récit de ce conte onirique.
La musique instrumentale pour piano, xylophone, clarinette, contrebasse et ondes Martenot soliste accompagne la trame générale du dessin animé ainsi que les scènes de poursuite entre les entités féminine et masculine symbolisées par le lion et l’oiseau.
Entrecoupés de passages de musique électroacoustique, de citations de jazz sur des images réelles de femmes se déshabillant, de bruitages électroacoustiques incongrus pour accompagner les passages de transformation, la musique mêle des genres hétéroclites pour accompagner un film qui emprunte lui aussi à divers codes du cinéma d’animation non sans une pointe de politiquement incorrect.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

LIGNES ET POINTS de Piotr Kamler (1966)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

En réalisant Lignes et points (1961), qui constitue un essai de création parallèle du son et de l’image, Piotr Kamler étend sa collaboration avec un nouveau jeune compositeur, François Bayle, pour un film totalement abstrait Piotr Kamler et François Bayle choisissent un matériau préalable : taches lumineuses violentes, lignes continues, moyens sonores. Après avoir défini ainsi des moyens plastiques et sonores, ils établissent en commun un découpage où sons et images sont considérés comme des éléments parallèles. Le résultat nous plonge dans un univers imaginaire, infini sidéral peuplé de sons étranges où surgissent et évoluent avec des mouvements tantôt lents, tantôt saccadés, des formes lumineuses, des taches lunaires et des fourmillements de points traversés parfois par des lignes immatérielles.

Le film donne la sensation visuelle d’impacts sonores, de taches floues, de coups de phares de voitures dans un tunnel par brouillard, de flashs très fugitifs et dynamiques, de rafales orientées, s’approchant, reculant, des effets de tunnel, de vides, de disparitions et d’entrées subites explosives.
Les sons, percussions et résonances semblent se calquer sur la thématique même de Lignes et points : les impulsions en tant que points, les résonances en tant que lignes. Si la musique est autonome et semble ne pas obéir à l’image, la synchronisation s’effectue alors presque de manière fortuite et aléatoire en une rencontre poétique de l’image et du son.
Lignes et points pour sons concrets acoustiques et images fait aujourd’hui partie d’un cycle plus vaste et s’intègre dans L’expérience acoustique (1966) pour quatre pistes et grand écran. Il intervient juste après Métaphore créé de toute pièce uniquement à partir de sources électroniques. Cette expérience lorsqu’elle est donnée aujourd’hui en concert, porte encore la marque indélébile du Service de la Recherche.
Il existe une autre version avec une autre partition de François Bayle pour sons instrumentaux.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

LA DORMEUSE de Maurice Pons (1965)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

La dormeuse a été tourné au Moulin d’Andé durant l’été 1962, soit un an avant l’anti film performance d’Andy Warhol, Sleep, qui devait à l’origine durer huit heures, le temps d’une nuit de sommeil de l’artiste John Giorno. D’une manière moins formelle et plus poétique, La dormeuse de Maurice Pons est une exploration du sommeil dans le sens où Maurice Pons s’efforcerait davantage de pénétrer l’essence du sommeil pour chercher à en livrer une observation subjective. La camera indiscrète et silencieuse, suspendue au dessus du lit grâce à une nacelle mobile commandée par un treuil, peut alors surprendre la dormeuse dans son sommeil et pénétrer avec elle dans le monde des rêves.

Le choix d’une musique concrète réalisée à partir de sonorités métalliques telle des sons de cloches d’horloges ralenties n’est pas seulement là pour rappeler la manière dont la perception du temps se brouille durant le sommeil, elle vient également matérialiser l’onirisme du monde des rêves dans lequel Maurice Pons cherche à faire pénétrer le spectateur. Comme pour mieux souligner la lenteur flottante et suspendue des mouvements de caméra au dessus du lit, la musique participe pleinement de la suspension, les sons sont suspendus dans le temps.
Sur les images du corps morcelé de la dormeuse, les douces déflagrations de musique concrète déchirent l’espace de l’image et le temps du sommeil pour immerger le spectateur dans un univers sonore évanescent, telle des vagues successives de trames métalliques, tantôt isolées dans le silence, tantôt filées en trames longues et étirées.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

TROIS PORTRAITS D’UN OISEAU QUI N’EXISTE PAS de Robert Lapoujade (1965)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

A partir d’un poème de Claude Aveline « Portrait de l’oiseau qui n’existe pas », Robert Laoupjade réalise ce court-métrage d’animation « Trois portraits d’un oiseau qui n’existe pas » (oiseau carnassier, oiseau mouche, oiseau chanteur). Peintre et cinéaste, il réalise dans ce film la synthèse de ces deux moyens d’expression en faisant se mouvoir grâce à la technique d’animation de poudres et de matériaux divers, une peinture en éternel changement.

Pour ce film produit par Roger Leenhardt, il était pressenti la collaboration musicale d’un compositeur de renom tel Georges Auric ou Henry Sauguet. Selon les dires de François Bayle, la production recherchait une signature illustre afin de compléter une distribution déjà prestigieuse. Or, après de nombreux retards dans la livraison des images, Georges Auric puis Henry Sauguet se désistent et la présentation du film, dans le cadre d’un festival très proche, incite le Service à désigner François Bayle, en dernier recours. Il est chargé de composer une musique « temporaire », quelques jours avant la présentation du film.
La musique de François Bayle s’appuyant sur l’idée de mutation sonore, donne tout à la fois une équivalence et un parallèle à la beauté plastique des images mi-figuratives, mi-abstraites de Robert Lapoujade. La partition comprend un cor, un clavecin, un hautbois ainsi que des sons concrets.
La forme générale de la musique est disparate, sans véritable continuum ; les sons obtenus avec cette formation hétéroclite, constitués de bruits épars et de coassements surréalistes, donnent à entendre un monde sonore imaginaire qui s’accorde par synchronisme aléatoire aux images de Lapoujade. Modestement, François Bayle prétend avoir « en quelques jours, torché une musique inattendue et pimpante qui convenait fort bien aux images de Lapoujade ».
Naturellement inquiet, comme la plupart des gens de cinéma face à leurs images muettes, Robert Lapoujade est finalement satisfait par la musique de François Bayle. Bien défendue par le réalisateur, la musique du film est finalement adoptée sans qu’aucun autre compositeur soit mis à contribution pour une version définitive.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

UN GARCON PLEIN D’AVENIR de Peter Foldès (1965)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.


Film d’animation conçu et réalisé par Peter Foldès sur un scénario sombre qui peut être vu comme une métaphore de la cruauté humaine à travers la croissance d’un homme depuis sa naissance où déjà bébé, allaité par sa mère, il finit par la dévorer. Devenu adulte, il fait l’expérience de sa force, de la guerre et se livre à la destruction de tout ce qui est à sa portée. C’est la musique romantique de Schubert qui semble redonner à ce personnage ultra violent un visage humain et lui permettre de ressentir les sentiments du remord puis de l’amour. Cette accalmie n’est cependant que de courte durée et ses pulsions meurtrières reprennent vite le dessus à cause des provocations d’une femme impudique. Reprenant sa marche dévastatrice il finit par périr, écrasé par une force encore plus grande que lui.

Bien qu’appartenant au registre du dessin animé, le film n’en demeure pas pour autant destiné au jeune public.
Le parti pris de la piste sonore de Luc Périni est conçue comme une véritable musique à programme oscillant entre une bande sonore à la fois stylisée et illustrative représentant les aventures de ce personnage monstrueux en recourant, notamment, à toute une imagerie sonore directement prélevée dans des registres référentiels (boxe, cris, foule, bruits de guerre, extrait du premier mouvement de la symphonie n°8 de Franz Schubert).
La musique pendant le générique de début reprend des rythmes martiaux jouées avec une caisse claire à peine déformée ainsi que des trames d’une musique concrète stridentes et évolutives qui semblent figurer le danger et la cruauté grandissante de ce monstre sanguinaire

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

FAUTRIER L’ENRAGE de Philippe Baraduc (1964)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

S’appuyant sur un texte de Jean Paulhan, intitulé Fautrier l’enragé, Philippe Baraduc propose avec cet essai télévisuel un aperçu de l’œuvre et de la personnalité de Jean Fautrier, peintre de l' »Art informel ». Juxtaposant des toiles et des images d’éléments naturels ainsi qu’un entretien conduit par Jean Paulhan, Baraduc montre comment la peinture de Fautrier, plutôt qu’une représentation du concret est une tentative, à limite de l’abstraction, d’en suggérer la profondeur. L’art informel et abstrait y est paradoxalement rapproché de l’art figuratif dans le sens où, vu à travers un microscope, la réalité peut s’y confondre avec l’abstrait, où l’art informel serait un piège à prendre la réalité.

Soucieux d’illustrer les propos esthétiques tenus dans ce film où la réflexion porte avant tout sur les spécificités de l’œuvre de Jean Fautrier et sur le caractère abstrait de la réalité à l’œuvre dans ses tableaux, François Bayle choisit de n’emprunter que des sonorités instrumentales.
Les sons concrets sont donc délaissés à l’occasion de cette musique de film pour laisser la place aux instruments traditionnels. Pour autant, on peut davantage parler de matière instrumentale presque abstraite tant les articulations, les superpositions les modes de jeu rappellent l’empirisme de la composition concrète.
Avec cette tentative de transposition des techniques de composition concrètes vers la musique instrumentale, François Bayle s’inscrit dans la tendance qui anime les compositeurs du Groupe de Recherches Musicales comme Philippe Carson, Ivo Malec à la même époque.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

LE TELESCRIPTEUR de René Blanchard (1964)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Un téléscripteur est un appareil qui équipe les régies de télévision qui permet d’écrire des génériques, des textes, mélangés ou non avec d’autres images, destinés à apparaître sur l’écran de télévision avant d’être diffusée chez les téléspectateurs. Dans ce film, conçu comme véritable interlude à intercaler entre les programmes de télévision, un petit personnage représentant le téléscripteur peine à écrire sur l’écran « Dans quelques instants la suite de notre programme ». Le film est réalisé à partir d’une animation et d’un graphisme très simplifiés. Les gags sonores y ont autant d’importance que les gags visuels.

Ce film est révélateur des orientations du Service de la recherche qui cherche, dès 1964, à montrer qu’il se préoccupe tout autant de l’intégration à l’antenne de ses productions que de la recherche audiovisuelle fondamentale pure. Cette implication s’exprime jusque dans ce qui relève habituellement de l’habillage et de la direction de l’antenne. Des petites productions conçues comme de petits intermèdes entre les programmes s’emparent de cette thématique pour mieux tenter de la détourner.
La musique, de Bernard Parmegiani, mentionnée dans les notices de l’INA en tant que « musique originale œuvre télé » est construite sous la forme d’un collage horizontal, en cut up, de sons concrets, de bruit très identifiés, de courtes séquences vocales, organisées comme une véritable musique concrète à programme, constituant une forme de burlesque sonore, en synchronisation directe avec les péripéties d’un petit personnage qui tente, non sans mal, d’interrompre les programmes et qui s’impatiente ensuite, avec tout autant de difficultés et d’énervement réussir à les reprendre. La musique de Bernard Parmegiani tente elle aussi de s’émanciper des règles de la composition concrète, non sans une pointe d’autodérision transgressant toutes les règles propres au solfège des objets musicaux, mais où l’idée de gag sonore prend tout son sens.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

CŒUR DE SECOURS de Piotr Kamler (1973)

Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

En 1973, François Bayle collabore une fois encore avec Piotr Kamler pour illustrer un petit film d’animation qui s’intitule Cœur de secours. Une nouvelle fois, Piotr Kamler transporte le spectateur dans un monde onirique et étrange, qui met en scène un funambule, un équilibriste ainsi qu’un petit personnage qui transporte précieusement un cœur entre ses mains. Le petit homme se déplace tantôt à pied, tantôt à vélocipède, dans un monde surnaturel constitué d’engrenages, de mécaniques imaginaires. Dans cette atmosphère hostile, manipulée, l’amour qu’il tente de préserver apparaît comme plus fragile, plus difficile à protéger.
La musique de François Bayle illustre cet univers à l’aide de boucles sonores en évolutions constantes à partir de sons de clarinette basse et de boîte à musique. Selon les tableaux, ces boucles sont transposées dans différents registres pour matérialiser la répétition et la transformation des saynètes traversées. Cet univers sonore minimaliste, peuplé de petits sons discrets, composé comme une aquarelle de Raoul Dufy, se résume à quelques lignes, quelques taches qui se fondent sur la structure des images.
 

ASTROLOGIE, LE MIROIR DE LA VIE de Jean Grémillon (1952)

Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Composée par Pierre Henry en étroite collaboration avec le réalisateur, la musique d’Astrologie constitue l’aboutissement des recherches musicales formelles de Jean Grémillon dans une volonté de fusionner bruits et musique. Cette approche cinématographique profondément musicale, déjà remarquée par Pierre Schaeffer en 1946, favorise la venue de Jean Grémillon dans les studios de la rue de l’Université. Il y a encore peu, l’analyse des relations audiovisuelles à l’œuvre dans Astrologie n’était pas envisageable compte tenu de l’état de conservation du film qui en interdisait le visionnage. Sa restauration, à l’occasion du cycle de film Les films du Service de la Recherche de l’ORTF que nous avons programmé au MAC/VAL en janvier 2006, a permis une remise en circuit du film en copie neuve.

EGYPTE Ô EGYPTE de Jacques Brissot (1958)

Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Le troisième et dernier volet de cette trilogie documentaire sur l'Egypte et titre éponyme de l'ensemble, Egypte Ô Egypte  se présente comme un essai sur des textes funéraires extraits du Livre des morts des anciens Egyptiens de Grégoire Kolpatchy. Sans faire œuvre d’égyptologue, mais attiré par la cosmogonie égyptienne, Jacques Brissot s’est efforcé de donner un équivalent cinématographique du long voyage de l’âme dans le pays des morts, avec ses portiques qui sont autant d’étapes initiatiques. La caméra se promène dans les paysages et les temples de la vallée de Thèbes, au milieu des pyramides, des statues gigantesques, des perspectives de colonnades, des fresques et des hiéroglyphes. Les prises de vues directes alternent avec les filmages, image par image, qui rendent perceptible en accéléré le cheminement des ombres sur les pierres. Les plans se succèdent en fonction des rapports plastiques et géométriques qui tentent de retrouver le sens profond de la symbolique égyptienne. 

 
La bande-son du troisième film est uniquement constituée du texte dit par Roger Blin et de la musique de Ferrari dans un entrelacs savamment composé. Pour la première fois dans l’œuvre de Luc Ferrari, la musique mélange des sons instrumentaux (un petit orchestre de dix-sept musiciens) et des sons concrets, imbriqués dans une structure qui mêle également des sons ambigus à l’orée des deux univers, fruits des manipulations de l’un et de l’autre.

Comme les images de Jacques Brissot, la musique d'Egypte Ô Egypte est contemplative ; elle oriente ainsi l'auditeur vers une écoute très méditative et le transporte dans un univers d'une extrême lenteur. Les événements sonores y sont en effet très distants les uns des autres, reliés par des résonances étirées, comme pour rappeler cette époque lointaine où les temples furent édifiés et le temps qui les relie à notre propre contemplation, comme pour « capter la résonance des temps anciens ». A la lenteur du son, s'accorde par contraste, la rapidité des images illustrant la symbolique du dieu Amon Râ dans l'Egypte antique, réalisée grâce à un procédé de filmage original. Ainsi, l'image d'un temple filmée toutes les minutes pendant une journée entière, révèle à la projection la course quotidienne du soleil, en accéléré, glissant sur des éléments d'architecture pharaonique.

Avec un tel procédé, le rendu visuel permet de voir le ciel, les nuages et les ombres défiler et se mettre en mouvement le long des façades jusqu'à donner l'impression de ramper sur la pierre. Pris sous différents angles, « la moindre fissure, aspérité, le moindre petit angle deviennent vivants dans ces « machins » restés immobiles pendant quatre mille ans qui s'animent d'un seul coup au son de ces trames étirées ».

Sur le plan sonore, les mouvements de nuances, de différenciation de hauteur, d'allure du son, sont autant de composantes sonores qui se sont imposées à Luc Ferrari par le traitement de l'image. Outre l'aspect purement mécanique, il résulte de ce croisement des démarches techniques, un travail sur la matière visuelle et sonore qui traverse le temps, jusqu'à en révéler l'aspect « ardent ». En jouant de la sorte sur la résonance et l'inflexion temporelle, il se crée presque automatiquement un lien avec la mythologie du Livre des morts, faisant de ce film l'une des grandes réussites, encore méconnues aujourd'hui, qui conduit à la création du Service de la Recherche.

La démarche totalement expérimentale et intuitive de Luc Ferrari, liée à l'approche visuelle de Jacques Brissot, a permis de créer un film d'une puissante beauté récompensé par le prix de la Biennale de Paris en 1963.

Un extrait.