Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.
De 1952 à 1956, le cinéaste et théoricien du cinéma Jean Mitry fréquente les studios de Pierre Schaeffer. Au-delà de ses propres recherches théoriques, Jean Mitry cherche, comme précédemment avec son film Pacific 231 (1949) – construit sur la partition d’Arthur Honegger – à retrouver l’esprit du cinéma d’avant-garde des années 20.
La note d’intention du film de Jean Mitry met également en exergue une mise en valeur des rythmes mécaniques de la vie industrielle contemporaine, transposant le rythme des machines, en un « poème lyrique ». La conjonction du mouvement et des sonorités doit transcender la réalité. En ce sens, il rejoint également l’idée de symphonie de ville dont il est l’un des admirateurs. La musique est fondée sur la rythmique d’un découpage qui s’accorde justement avec les conditions d’un rythme mécanique heurté, violemment cadencé et mesuré. Le scénario du film, c’est-à-dire ce découpage, prévoit avec le mouvement propre et la cadence des machines, le temps relatif de chacun des plans, il fournit en quelque sorte une première structure rythmique sinon musicale de l’ensemble. Pierre Boulez a ainsi créé la substance et l’organisation musicale de son œuvre à partir de cette forme préétablie, en s’y conformant aussi près que possible. Après quoi, la construction et le montage du film s’inscrivent d’eux-mêmes dans la donnée musicale définitive, avec un ajustement du montage final sur les articulations musicales.
« dans cet essai cinématographique en cinémascope (…) des équivalences entre la musique sérielle de Pierre Boulez et les images de machines en mouvement » sont établies. En guise de cinémascope, Mitry opte pour un système de projection en triple écran, à la manière d’Abel Gance, dont on ressent une fois de plus l’influence déterminante.