SABLES de Lucien Clergue (1969)


 

Au début des années 1960, le producteur Pierre Braunberger découvre le travail photographique de Lucien Clergue et lui propose de réaliser un film, Drame du Taureau (1965). C'est le début d'une longue collaboration qui donnera naissance à une dizaine de courts métrages dans lesquels Lucien Clergue s'adonne avec talent à l'image en mouvement.
En 1969, dans les couloirs du Service de la Recherche, le photographe croise le compositeur Bernard Parmegiani avec qui il collabore pour son dernier film, Sables.
Pour Bernard Parmegiani, un aller-retour incessant s’effectue alors naturellement entre les travaux pour l’image et la composition pure, car ces activités s’opèrent bien souvent simultanément. Les sons se créent dans un genre pour naître ailleurs, ils se recyclent, se transforment et dérivent. Les sonorités aquatiques des ondes Martenot d’Outremer (1968) devenu Thalassa (1971), ont ainsi transité par une nouvelle étape de transformation pour le film de Lucien Clergue Sables (1970). Les ondes Martenot ralenties et remodelées soulignent, à l’image, le long séjour dans l’eau des bois flottés ; la transformation du son original crée, quant à elle, un second degré, sonore, en parallèle avec la lente érosion de cette matière après son immersion prolongée. Comme à son habitude, Bernard Parmegiani procède à toute une série de manipulations, jusqu’à donner à ces sons une consistance méconnaissable qui s’accordent parfaitement avec la matière de ce bois transformé. La variation subtile de la lumière de Camargue sur cette matière étrange, la beauté du cadre, de la photographie, créent un film d’une splendeur surprenante.

 

CINE CRIME, Maurice Blackburn (1968)

En 1968, Maurice Blackburn  produit et réalise son propre film Ciné-crime dont il est fait mention au générique que « les éléments visuels et la bande sonore de ce film sont les points de repère d’une histoire qui doit être complétée selon la fantaisie de votre imagination ».

L’image en noir et blanc à travers un jeu d’ombres et de lumières, est plus suggestive que figurative. Des fragments de gestes donnent à imaginer un voleur poursuivi par la police, rattrapé, jugé, jeté en prison, puis préparant son évasion. La bande sonore guide le spectateur dans la narration, plus que les images elles-mêmes, volontairement occultées par des effets de flous stylisés. Elle met en évidence l’approche électroacoustique de la musique de film de Maurice Blackburn dans laquelle tous les sons – aussi bien les paroles, les bruitages, que la musique elle-même – sont considérés comme des objets sonores.

Cette bande-son n’a donc plus uniquement une fonction de sonorisation, elle n’est plus appliquée comme un vernis sur un visuel terminé qui possède déjà tout son sens, mais elle acquiert un rôle actif, elle enrichit le film par ses propres moyens expressifs.

Véritable cinéma pour l’oreille, la musique de Ciné-crime démontre la conception d’une bande-son active au regard d’une image volontairement brouillée. Les manipulations sonores sont pour notre perception une réalité bien plus évidente que ce qu’il nous est donné de voir.

Ciné-crime par Maurice Blackburn, Office national du film du Canada

JOUR APRES JOUR, Clément Perron & Maurice Blackburn (1962)

Au Canada, au sein de l'Office National du Film (ONF), le compositeur de musique de films Maurice Blackburn est l'un des fers de lance de l'expérimentation sonore tous azimut tout d'abord aux côtés du cinéaste d'animation Norman McLaren, puis pour des films documentaires ou de fiction.

Après deux séjours à Paris, en 1948 et 1954, il découvre la musique concrète de Pierre Schaeffer, et prend alors conscience du formidable champ d’exploration que lui offre la possibilité de manipuler le son enregistré sur piste optique avant d'appliquer ces découvertes dans des collaborations avec des réalisateurs qui souhaitent prolonger leur expérience visuelle dans l’univers des sons.

Selon lui, le compositeur doit prendre en charge le son d’un film d'une manière globale, dès la phase d'écriture du film, en collaboration avec le cinéaste, le monteur image et le monteur son. C’est l’ensemble de la piste sonore qui devient ainsi la musique du film dans une approche électroacoustique totale où paroles, musiques et bruits sont exploités musicalement dans une esthétique qu'il nomme "Filmopéra".

Dans les années 60, l'idée de collage sonore et de contrepoint audiovisuel prend un tour nouveau avec le film de Clément Perron Jour après jour qui lui offre l’occasion de produire une bande sonore totale composée à partir de musique concrète, de bruits industriels et d’effets divers enregistrés en studio ou pris en sonothèque : « on est allé chercher de tout, dit Maurice Blackburn, galopades de chevaux, bruits de trains, sifflets, arbres s’écroulant, bruits de machines ». Ce film a été tourné à Windsor au Québec au milieu des forêts, où six mille cinq cents habitants vivent de l’industrie du papier. Un texte de Clément Perron dit par Anne-Claire Poirier est entièrement  intégré à cette composition. Le mélange texte-images-bande-son donne à réfléchir sur la place que l’homme a fait à la machine dans notre société. Il en résulte un poème sonore total chantant la domination universelle de la machine devenue folle.

LE LABORATOIRE DE L’OUIE de Dziga Vertov (1916)

DZIGA VERTOV ET LE LABORATOIRE DE L'OUIE (1916)

Photogramme tiré de L'homme à la caméra (1928) © Lobster Film

Pendant la première guerre mondiale, les idées futuristes de Maiakovski et de ses amis gagnent les grandes villes artistiques soviétiques comme Petrograd (Saint Petersbourg) et influencent un jeune poète et musicien, Denis Arkadievitch Kaufman, davantage connu aujourd’hui sous le nom de Dziga Vertov. En russe, le prénom Dziga est une déformation de Denis et se réfère au mot ukrainien qui veut dire toupie, mais aussi à Tzigane, peuple éternel errant. Vertov est dérivé du verbe russe « vertet » qui signifie « tourner, pivoter, tournoyer ». Dziga Vertov peut alors étonnamment prendre le sens de « Mouvement perpétuel ». Vertov poursuit alors parallèlement des études de médecine et de musique et admire beaucoup les futuristes russes.
« Traversons ensemble une grande capitale moderne, les oreilles plus attentives que les yeux… » déclare Russolo, une pensée qui semble avoir également animé le cinéaste russe bien qu’il ne connaisse pas l’existence des recherches du musicien futuriste. En 1916, Dziga Vertov fonde à l’âge de vingt ans un « laboratoire de l’ouïe » afin d’expérimenter le montage des sons par le biais du phonographe. Dans un texte intitulé « Naissance du ciné-œil » publié dans Articles, journaux, projets, coll. « 10/18 », il déclare : « Et voici qu’un jour de printemps 1918, je rentre de la gare. J’ai encore aux oreilles les soupirs, le bruit du train qui s’éloigne… quelqu’un jure… un baiser… quelqu’un s’exclame… Rire, sifflet, voix, coups de la cloche de la gare, halètement de la locomotive… Murmures, appels, adieux… Je pense chemin faisant : il faut que je finisse par dégotter un appareil qui ne décrive pas mais inscrive, photographie ces sons. Sinon, impossible de les organiser, de les monter. Ils s’enfuient comme fuit le temps. »S’agissait-il pour lui de réaliser de simples « sonographies » ou bien de monter, d’articuler entre eux, mettre en rythme les divers bruits prélevés à la réalité ? Nul document ne l’atteste à ce jour, mis à part les écrits de Georges Sadoul, assez vagues en ce qui concerne le réel travail effectué à partir de cette matière sonore.
« Vertov pratique le montage d’éléments sonores dans ce laboratoire de l’ouïe dont il est le seul chercheur. Il dispose d’un Pathéphone à pavillon modèle 1900 ou 1910. Avec ce phonographe très primitif Vertov enregistre et combine des sons de machines, de cascades etc. pour tenter de créer ce que nous appelons aujourd’hui la musique concrète (…) »

Pour réaliser ses expériences sonores, Dziga Vertov se voit logiquement obligé de transporter son appareil enregistreur sur les lieux choisis pour leur qualité acoustique, orienter ensuite le pavillon du phonographe en direction de la source convoitée afin d’en fixer le mouvement ondulatoire dans la cire d’un cylindre ou d’un disque. Grâce à ce Pathéphone lecteur et enregistreur, le jeune musicien enregistre toutes sortes de bruits divers : scieries mécaniques, torrents, machines en mouvement, conversation, etc. tentant de créer ensuite par leur agencement, leur montage, leur organisation, une sorte de nouvelle musique.

Sadoul évoque sans équivoque « le montage d’éléments sonores » et la « combinaison de sons ». Or, il n’existe qu’une seule possibilité en 1916 pour réaliser ce type de construction : le montage à la source – que l’on peut assimiler au montage caméra – où l’assemblage s’effectue au moment de l’acquisition par enregistrement successif de bruits. Il s’agit là très certainement de la technique employée par Vertov à laquelle il est possible d’adjoindre le tuilage, techniquement envisageable par ré-enregistrement, bien que celui-ci provoque une augmentation considérable du bruit de fond. Vertov imagine-t-il la combinaison de sons selon une construction horizontale, ou bien cherche-t-il à travailler verticalement afin de créer des polyphonies de bruits ? Il est plausible que Vertov, ne possédant qu’une seule machine, pratique le montage au moment de la prise de son et ne puisse pas effectuer de repiquage. De plus, la manipulation du phonographe n’autorisant pas de contrôle véritablement précis du montage, il est probable qu’une grande part de l’élaboration soit laissée au hasard, ce qui laisse songeur quant à la qualité des articulations, et la valeur musicale des montages de Vertov. L’imprécision des propos de Sadoul se manifeste également lorsqu’il mentionne que Vertov a « tenté de créer ce qu’on appelle aujourd’hui la musique concrète ». Bien que les premières années de la musique concrète de 1948 à 1950 s’élaborent, comme les expériences de Vertov dans son laboratoire de l’ouïe, à partir de la gravure sur disques souples, l’Etude aux chemins de fer, première des Etudes de bruits de Pierre Schaeffer, prend toutefois en compte la possibilité de transformer le son en postproduction par le ralentissement, l’accélération, l’inversion du son et le bouclage, grâce à la technique du sillon fermé. Sur ce point précis, Georges Sadoul ne délivre aucune information distincte quant à la technique adoptée par Vertov, ni sur la qualité de sa production sonore. Rien non plus ne vient confirmer si l’idée de la transformation des sons est envisagée au moment de la prise de son, ni même si celle-ci est envisagée tout court.

Si Russolo avec ses instruments bruiteurs concentre ses travaux sonores de manière « non imitative », il en va tout autrement de Dziga Vertov qui conçoit le bruit comme une réalité concrète. Son laboratoire de l’ouïe le conduit d’ailleurs à une représentation auditive de la « vérité » à travers la théorie du « radio-oreille » qu’il développe dans un souci rigoureux de restituer une objectivité auditive.
Selon Georges Sadoul, Dziga Vertov put, pour ses expériences, prendre l’Art des bruits de Luigi Russolo comme modèle, mais à la différence fondamentale qu’il refusa les instruments « imitatifs » pour employer l’enregistrement de sons réels. Nous savons aujourd’hui que Vertov n’avait pas connaissance des travaux de Russolo. Georges Sadoul montre toutefois que Dziga Vertov utilisait des éléments expressément catalogués trois ans plus tôt par Luigi Russolo comme des cascades, des moteurs, ou encore des scies mécaniques. Quels autres sons naturels ou citadins que ceux répertoriés par Russolo pouvaient attirer la curiosité d’un musicien futuriste comme Dziga Vertov sans recoupement possible ? De toute évidence, son emploi du phonographe – et donc la fixation du son sur un quelconque support, disques en cire, rouleaux ou cylindres – se démarque très nettement de la démarche de son homologue italien qui s’attache à reproduire les bruits mécaniquement. L’emploi d’un instrument enregistreur lui apporte d’emblée une forme « d’objectivité », une approche de la réalité sonore qui deviendra par la suite la définition même de son approche cinématographique : le Kino Pravda, le « cinéma-vérité ».
Toujours selon Georges Sadoul, Dziga Vertov pratique également dans son laboratoire de l’ouïe le montage de sténogrammes et le montage de mots, plus directement en rapport avec le langage et la poésie, dans le même esprit que les « poètes phonographistes ». Cette dernière technique lui sert notamment pour constituer certains poèmes tels Je vois, ou Start (1917).

Quelle est l’ampleur des recherches de Vertov dans ce domaine ? Existe-t-il encore des fragments de son travail ? Dans quel état de conservation ? Ces questions demeurent pour l’instant sans réponse. Il semble que ces expériences d’esprit futuriste ont été assez brèves et rudimentaires et sont restées, faute de moyens techniques, sans grande retombée sur le plan musical.
« Travaillant à partir d’un enregistreur sur disque en cire, Vertov cherche à enregistrer des bruits aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du studio afin de les rassembler dans des compositions entièrement nouvelles. Il tentait ainsi de créer les symphonies concrètes qui seront entendues dans ses films des années 30, et qui seraient techniquement réalisables par les compositeurs avec l’introduction du magnétophone à bande dans les années 40. Le résultat obtenu avec l’équipement disponible en 1917 devait être décourageant. En définitive, cette étape a servi de préparation au jeune artiste déçu pour l’essai d’un autre média ».

Ces expériences ont une grande importance en tant qu’étape dans le développement d’une pensée créatrice et ont servi de base aux recherches ultérieures du cinéaste. Cette idée de montage en liaison directe avec le montage cinématographique devient en effet centrale, lorsque Vertov se voit confier, à partir de 1919, le montage des films d’actualité reçus de toute la Russie où la guerre civile fait rage.

Voici reconstitué un extrait des expériences sonores de Vertov dans son laboratoire de l'ouïe

Deuxième extrait reconstitué.

L’ANGE, de Patrick Bokanowski (1984)

La mise en scène de gestes anodins et primordiaux de la vie est présente dans les trois premiers films de Patrick Bokanowski, La femme qui se poudre (1972), Le déjeuner du matin (1979) et trouve son accomplissement dans L’ange (1984), accompagnés de cette obsession répétitive qui caractérise également la musique de Michèle Bokanowski. Avec des frottements de tôle répétés, joués à l’archet et transformés dans La femme qui se poudre, des fragments de quatuor à corde retravaillé et mis en boucle dans L’ange, Michèle Bokanowski s’accorde à prolonger véritablement la structure intrinsèque de l’image. A tous les niveaux, la transformation est érigée en principe fondateur. Avec le couple Bokanowski, le cinéma devient l’art de fabriquer un monde de l’imaginaire entièrement subjectif.
Michèle Bokanowski établit son vocabulaire sur la même base que les images : éléments concrets retravaillés (objets sonores ou instruments), mise en boucle, déphasage et multiplication créant une tension et à un paroxysme avant d’entrer dans une nouvelle séquence.
Si Patrick Bokanowski se passionne pour les gestes du quotidien, c’est plutôt ce qui se passe à l’intérieur des personnages, pendant qu’ils font ces gestes, qui motive Michèle Bokanowski. Elle parvient, ainsi, à matérialiser l’impossible état de tension auquel les personnages sont soumis, prisonniers de leurs gestes et de l’univers étouffant qui les environne.
Le plus souvent, la musique crée une distance avec l’image sauf à certains moments, où des synchronismes très marqués apparaissent furtivement, comme quelque chose qui tombe brutalement sur l’image et à laquelle on ne s’attend pas, créant une surprise totale renforçant cette temporalité déviée qui n’appartient qu’à l’instant.

DANS CE JARDIN ATROCE de Jacques Brissot (1964)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Dans ce jardin atroce est le premier épisode d’un projet d’essai télévisuel présenté sous la forme d’une trilogie d’environ une heure, réalisée sur plusieurs années qui comprend également les films documentaires Présent du fleuve (1959) qui se déroule en 400 av J.-C. constituant une sorte de documentaire imaginaire d’après les histoires d’Hérodote et, Egypte Ô Egypte (1962), dernier film de la série et titre générique de l’ensemble, qui renoue avec la mythologie de la mort. Pour Dans ce Jardin atroce, Jean Cocteau y est à la fois le narrateur et l’auteur du texte tiré de Malesh sur des images d’Egypte.

Les trois volets bénéficient de la musique de Luc Ferrari. Ce film est conçu comme une déambulation à travers la vallée de Thèbes et le temple de Karnak. – « Lire les temples d’Egypte comme un livre d’histoire est absurde » dit Jean Cocteau. Jacques Brissot nous propose donc une sorte de voyage contemplatif à travers le chaos des ruines, les restes d’une gigantesque termitière qui composent un véritable échiquier de sable de dimension cosmique. – Ruines embauchant des statues, statues défigurées par la foudre qui retournent au sable, fresques, portiques, obélisques, rebus déconcertants de hiéroglyphes, perspectives de Sphinx à tête de béliers, pyramides qui sont « l’aimant du ciel pour la terre et de la terre pour le ciel », nous opposent un silence mortel et effrayant.

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Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

ETUDE 65 de Piotr Kamler (1965)

 

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Comme son titre l’indique ce film est une étude qui reprend un essai cinématographique plus ancien intitulé Continu discontinu (1960), film expérimental construit comme un voyage intersidéral à la vitesse de la lumière qui nous introduit dans un monde planétaire inconnu, prétexte à une exploration de la matière comme Piotr Kamler les affectionne. Sur fond noir des formes circulaires se détachent, se rapprochent, s’éloignent comme autant d’organismes aux couleurs vives. La matière est dense et presque palpable contrastant avec des lignes effilées qui rehaussent le dynamisme des mouvements à l’intérieur de l’écran. Ce petit film abstrait aux couleurs minérales est une application de la technique des poudres au procédé d’animation. Un procédé optique qui permet de mettre en lumière la matière utilisée. Le film est habité par une musique qui devient si intense qu’elle en finit par disparaître laissant cet essai inachevé dans le silence d’une bande sonore qui finit par disparaître.

Etude 65 se présente comme une nouvelle proposition de sonorisation à partir du film préexistant de Piot Kamler Continu discontinu (1961), originellement découpé en deux parties respectivement composées par Luc Ferrari et Iannis Xenakis. Cette nouvelle proposition audiovisuelle de la deuxième partie bénéficie donc d’une musique concrète de Beatriz Ferreyra ce qui en fait une expérience audiovisuelle singulière et l’un des rares films possédant plusieurs musiques originales.

Conçu avant tout comme une expérimentation audiovisuelle pure la fin du film n’est pas achevée.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

SOS, LES ZLOPS ATTAQUENT, de René Borg (1967)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Les zlops habitent une minuscule planète de 125 mètres de diamètre où l’on parle un langage particulier. Ils embarquent un jour à bord de leur astronef, le « Globineff », et partent à la conquête d’un autre astre: la terre. Lorsqu’ils atterrissent à Paris, ils installent leur quartier général entre le deuxième et le troisième étage de la tour Eiffel. L’un des zlops, sur ordre de son supérieur, part en reconnaissance dans les rues de la capitale, muni de son arme au pouvoir hilarant : le « dogodum ».

Ce premier épisode de feuilleton à destination du jeune public réalisé dans le style de la bande dessinée est resté inachevé au 7ème épisode. Il constitue un exemple d’application de la technique de l’animographe, une machine inventée vers 1961 par jean Dejoux chercheur à la RTF au sein du Service de la Recherche destinée à produire des films d’animation de façon rapide et économique.

Un an avant de lancer dans l’aventure des Shadoks de JacquesRouxel, Robert Cohen-Solal compose donc la musique de cette série animée. La musique allie des mélodies légères jouée sur des synthétiseurs et intègre toute une série d’intervention d’éléments concrets et électroniques qui viennent dynamiser et rythmer les moments d’articulations musicales et les péripéties des Zlops.

1er épisode :

2eme épisode :

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

L’ARAIGNELEPHANT de Jacques Rouxel et Piotr Kamler (1967)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

L’araignéléphant, c’est en quelque sorte l’humanité : un être étrange que Jacques Rouxel et Piotr Kamler suivent pas à pas, qui se déplace dans un décor abstrait de lignes, de points et de plans colorés. Ce qui le définit : l’indécision, car cet animal étrange, mi araignée, mi éléphant réfléchit … : « faut-il être, faut-il ne pas être … tout en étant… mais pas trop… ou réciproquement … et cela tout en marchant, marchant … et toujours du même coté … » Persuadé d’être sur le bon chemin jusqu’à ce qu’il se heurte à une boite, la boite à retourner le temps … » alors ne sachant plus que faire, il se multiplia beaucoup … beaucoup … et toujours du même coté … » Ce film d’animation existe aussi dans une version « musicale », où le commentaire des étranges et abstraites aventures de l’Araignéléphant est laissé à l’imagination des spectateurs.

En 1965, Jacques Rouvel collabore une première fois avec Piotr Kamler pour le film Planète verte. Il persiste dans la voie de la « fable morale », comme il aime à définir les Shadoks, en travaillant de nouveau avec Kamler pour L’Araignéléphant (1967) dont Rouxel écrivit le commentaire dit par le comédien Pierre Bertin.

D’emblée, le texte se place sur une orbite qui n’est pas très éloignée de la planète Shadock puisque le film débute par ces mots : « La chose se passait autrefois, même pas autrefois mais avant autrefois, en fait c’était au temps où l’on ne savait pas très bien ce qu’était le temps. »

La musique est confiée à Bernard Parmegiani et la bande son sonne déjà comme un avant goût de ce que sera l’environnement sonore des Shadoks : un commentaire soigné et drôle, accompagné d’une sorte de musique d’ameublement très légère, elle-même agrémentée par des bruitages concrets incongrus. À ce titre L’araignéléphant ainsi que SOS Les Zlops attaquent semblent directement constituer les proches ancêtres des célèbres Shadocks.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

MEURTRE de Piotr Kamler (1968)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Piotr Kamler a transposé librement cette nouvelle de Franz Kafka dans un monde inquiétant d’animation abstraite. Le rôle du fonctionnaire est devenu un insecte improbable qui, sur un échafaudage immatériel, à moins que ce ne soit ses pattes, jongle lentement avec sa tête. L’arrivée de billes rouges vient interrompre sa tranquillité. Elles deviennent de plus en plus agressives jusqu’à ce que l’insecte se transforme en un monstre dévorant qui les avale. C’est le meurtre. Le calme apparent revient mais l’insecte se décompose et disparait progressivement.

Dans un genre qui s’est développé au sein du Service de la Recherche, la narrativité est très fréquemment déplacée et, sous prétexte « d’historiettes » futiles, sont dessinées des aventures de formes, de dynamiques, ou de phénomènes. Il s’agit donc d’une autre forme de « cinéma du réel » mêlant « l’objectif et le subjectif : autre chose et la même chose que le réel ; autre chose et la même chose qu’un message », nous dit Pierre Schaeffer.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.