AUTOMNE de Mika de Possel (1961)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Ce film évoque la saison de l’automne dans une dimension cinématographique néo-impressionniste, à travers l’utilisation d’éléments naturels : surface d’étangs, sols, écorces d’arbres. L’auteur s’attache, non pas à l’aspect réaliste de ces éléments, mais à leurs relations de forme ou de matière : cercles dans l’eau et coupe d’un arbre aux mêmes formes concentriques, rapprochement des surfaces de l’eau et du gazon. Ces relations sont à la fois mises en évidence et exploitées par un usage systématique de la surimpression. Elles se complètent par des relations de mouvements naturels : branches d’arbres agitées par le vent, envol d’oiseaux et mouvements de caméra.

La rencontre des images et de la musique dans ce film crée, par contraste, un niveau de lecture supérieur car au-delà de la beauté des images naturalistes qui sont montrées à l’écran, la subtile musique concrète de François-Bernard Mache instaure un climat et un sentiment d’inquiétude avec l’utilisation musicalisée de sons de craquements d’arbres prélevés au moment de l’abattage puis mis en boucle, sur fond de scieries, cris de corbeaux, de tronçonneuse, de vent, grenouilles et feuilles écrasées. Plus qu’un simple poème cinématographique tourné vers la contemplation de la nature, le film semble nous mettre en garde sur les dangers qui pèsent sur elle de par l’activité de l’homme.

Production : Service de la Recherche de l’ORTF, 1961

Musique concrète : François-Bernard Mache

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

SYMPHONIE MECANIQUE de Jean Mitry (1955)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

De 1952 à 1956, le cinéaste et théoricien du cinéma Jean Mitry fréquente les studios de Pierre Schaeffer. Au-delà de ses propres recherches théoriques, Jean Mitry cherche, comme précédemment avec son film Pacific 231 (1949) – construit sur la partition d’Arthur Honegger – à retrouver l’esprit du cinéma d’avant-garde des années 20.

La note d’intention du film de Jean Mitry met également en exergue une mise en valeur des rythmes mécaniques de la vie industrielle contemporaine, transposant le rythme des machines, en un « poème lyrique ». La conjonction du mouvement et des sonorités doit transcender la réalité. En ce sens, il rejoint également l’idée de symphonie de ville dont il est l’un des admirateurs. La musique est fondée sur la rythmique d’un découpage qui s’accorde justement avec les conditions d’un rythme mécanique heurté, violemment cadencé et mesuré. Le scénario du film, c’est-à-dire ce découpage, prévoit avec le mouvement propre et la cadence des machines, le temps relatif de chacun des plans, il fournit en quelque sorte une première structure rythmique sinon musicale de l’ensemble. Pierre Boulez a ainsi créé la substance et l’organisation musicale de son œuvre à partir de cette forme préétablie, en s’y conformant aussi près que possible. Après quoi, la construction et le montage du film s’inscrivent d’eux-mêmes dans la donnée musicale définitive, avec un ajustement du montage final sur les articulations musicales.

« dans cet essai cinématographique en cinémascope (…) des équivalences entre la musique sérielle de Pierre Boulez et les images de machines en mouvement » sont établies. En guise de cinémascope, Mitry opte pour un système de projection en triple écran, à la manière d’Abel Gance, dont on ressent une fois de plus l’influence déterminante.

TIC TAC de René Laloux (1960)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Conçue, dessinée et animée en direct par une équipe de patients d’une clinique psychiatrique, cette réalisation présente, aux yeux de son auteur moins d’intérêt sur le plan purement cinématographique que sur celui de l’expérience humaine. C’est l’inquiétante histoire sans parole d’une femme et d’un homme vivant dans un étrange décor où les objets sont doués de vie qu’ils ont choisi de nous raconter à travers ce théâtre d’ombres chinoises en figurines découpées. Leurs personnages connaîtront un destin tragique puisqu’emportés dans les airs par des ballons, ils seront finalement dévorés par un horrible dragon.

L’illustration sonore d’André Boucourechliev, dans la lignée de la musique mixte, mêlant musique concrète et instruments, participe grandement à l’atmosphère fantastique de ce conte. Au-delà de l’étrange lien qui se noue entre les mouvements saccadés des personnages de carton et le thème hypnotique du « tic tac », une certaine inquiétude prend corps tandis que s’installe peu à peu la tension dramatique de l’histoire.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN de James Whale (1934)

Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Avec la volonté de compléter le décor fabuleux du laboratoire du docteur Frankenstein et pour représenter les bruits terrifiants de son équipement scientifique, James Whale demande à Franz Waxman de composer la musique de La fiancée de FrankensteinThe Bride of Frankenstein – en 1934, dont il disait que « c’était un film d’horreur qui demandait une musique d’une obsédante étrangeté, mystérieuse et différente ». Aussi, le theremin, qui occupe la fonction mélodique principale ne constitue pas le seul nouveau dispositif acoustique destiné à produire de l’étrange. Waxman a en effet prévu tout un appareillage rythmique alliant cymbales jouées à l’archet et bruits concrets – jets de vapeur, éléments mécaniques, roue grinçante, etc., – s’insérant et marquant les accents rythmiques du grand thème orchestré pour simuler le fonctionnement du laboratoire de Frankenstein.
 

LES ACHALUNES de René Laloux (1959)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Court film expérimental qui pourrait s’inscrire dans la lignée de la cinématographie scientifique de Jean Painlevé exploitée, ici, dans le but d’une recherche artistique à partir d’images en noir et blanc de René Laloux qui relatent des phénomènes visuels observés dans la nature sans qu’il puisse être donné de reconnaître à quelle espèces animales ou végétales ils appartiennent. Des formes organiques battent et se résorbent, des reflets dansent au rythme de la musique de Henk Badings, des cercles de lumière clignotent comme des yeux inquiétants, des perpétuelles métamorphoses évoquent un grand organisme vivant et palpitant.

Premier film mentionné dans le catalogue interne des films du Service de la Recherche, Les Achalunés inaugurent ainsi les premières expériences visuelles du GRI, (Groupe de Recherche Image) dirigé par Jacques Brissot qui cultive une ambiguïté quant à l’origine de la matière visuelle à travers un matériau tout à la fois concret et abstrait qui prolonge les expériences de René Laloux consistant à filmer les effets de la lumière diffractée par des éclats de verre sur un écran.
La musique de Henk Badings à base de sons de piano rétrogradés et de gammes d’objets concrets improbables semble constituer une forme d’abécédaire dans les relations qu’entretiennent les objets visuels et les objets sonores.
Date de production : 1959

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

L’IDEE de Bertold Bartosh (1932)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

Lors de la sortie en salle du film d’animation de Berthold Bartosh, L’idée, tourné entre 1931 et 1934 à partir des gravures sur bois du peintre expressionniste belge Franz Maseréel, certains critiques ont parlé de véritable « révolution dans le dessin animé » à destination d’un public adulte. Le film eut une genèse compromise par l’arrivée au pouvoir des nazis à Berlin : Bartosch dut emporter le film à Paris où il fut achevé et montré pour la première fois, en 1934, devant un public d’intellectuels au Vieux Colombier. Il révèle l’étrange beauté d’un monde symbolique qui ressemble à notre société et dont le personnage principal est une idée. Cette idée prend corps sous la forme d’une femme nue et symbolise la révolte populaire contre toute forme d’oppression, l’insurrection contre l’autorité. Cette femme sera traquée par la société, poursuivie dans les rues, par les soldats, les prêtres, les marchands, combattue, puis anéantie avant de renaître par le crâne fendu de l’homme qui l’a imaginée.
L’incarnation de l’idée revêt différentes formes dans la musique d’Arthur Honegger, notamment par l’utilisation des ondes Martenot. Le choix d’un son « abstrait » pour représenter une idée, une idéologie, d’une sonorité moderne en lien avec la pensée artistique résolument « anticipatrice » de Maseréel, et l’emploi d’un son « révolutionnaire » pour incarner un personnage révolutionnaire : autant d’éléments qui conduisent Honegger vers le choix des ondes Martenot comme instrument soliste dans sa partition.

ORIENT OCCIDENT de Enrico Fulchignoni (1962)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

A l’occasion d’une exposition de sculpture organisée au musée Cernuschi en 1959 sur le thème des rapports entre l’orient et l’occident à travers cinquante siècles d’art, Enrico Fulchignoni tente de montrer comment, à travers l’art égyptien, l’art grec a été influencé par les arts étrusques et orientaux. Le commentaire de Pierre Henry dit par Pierre Chambon et les maniements de camera soulignent les ressemblances qui existent entre les diverses statuettes sculptées, au niveau des profils, des sourires, des attitudes. La musique originale de Iannis Xenakis, douce, lente, lointaine, semble rendre hommage à ces civilisations disparues.

Orient Occident est une œuvre à part dans le corpus des pièces électroacoustiques de Xenakis contrastant avec les autres œuvres composées au GRM dans les années 50-60, Diamorphoses, Concret PH, Analogique B et Bohor.
Orient Occident travaille au niveau de l’objet sonore sur la base d’un instrumentarium principalement constitué de percussions métalliques. La musique fonctionnant par vague, tel un grand flux /reflux de matière sonore, et s’équilibre harmonieusement avec commentaire de Pierre Henry dit par Pierre Chambon qui s’intègre pour ne pas dire fusionne avec la musique de Xenakis. Les longues trames de son, ainsi que les bribes de matières sonores qui se développent sur les images de sculptures très anciennes semblent également nous convier à un voyage sonore vers des temps immémoriaux. La musique tente de matérialiser le passé à travers la mémoire des sons et l’imaginaire relié à l’emploi de la matière sonore brute : le bois, le métal.
En maître de la densité de la matière musicale Xenakis tente avec cette musique de pénétrer les couches de matières temporelles qui séparent et relient la culture occidentale aux civilisations anciennes.

Durée : 20′

Production : Unesco

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

REFLETS de Piotr Kamler (1961)

Les documents ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

A l’issue d’une séance d’écoute, lors des traditionnelles réunions du Service de la Recherche tous les vendredi après midi, le cinéaste Piotr Kamler découvre Reflets (1960) qu’Ivo Malec a composé dans le cadre de son Etude de stage. Séduit par la luminosité que cette pièce dégage, Kamler lui propose immédiatement d’en réaliser un film. Pour permettre à Kamler de travailler au plus près de la musique, Malec va réaliser une très belle partition graphique inédite, sur laquelle apparaît clairement la composition des quatre pistes de Reflets, un découpage temporel précis (à la demi-seconde), un schéma évolué qui va lui permettre de construire son film.

Reflets se déroule la nuit à deux heures du matin, sous le Pont neuf : la lune se reflète dans la Seine en lignes modifiées à chaque seconde, brisées, et recomposées par le courant. On peut voir ce film de cette façon. A partir de ce « scénario », Kamler travaille sur des métamorphoses continues de formes, de la synthèse figurative à l’analyse de la matière, dont il répertorie avec obstination les éléments.

Malec fut enchanté par le résultat, il ressentit, dit-il, « une forme de bonheur à travers la sensation d’avoir été compris, que quelqu’un a tout simplement compris l’essence de ce que vous avez fait ». Les images comme la musique baignent dans une lumière légère, transparente, et affleurent le drame de manière passagère. L’expérience réussie de Reflets, incite Malec à inverser la proposition de départ : écrire une musique pour le film suivant de Kamler, Structure (1961).

Ce film a été primé au festival du film d’animation de Rimini (Italie) en 1962.

Juste après, une « exclusivité Cloches d’Atlantis » : le fac similé totalement inédit de la partition manuscrite de Reflets de Ivo Malec.

Ainsi que le Schéma directeur de Pierre Schaeffer donné aux compositeurs comme trame pour la composition de leur Etude de stage

ATOMES de Manuela Morgaine (2011)

« Qui cache son fou meurt sans voix. »
Henri Michaux, Face aux verrous.

ATOMES est l'été de FOUDRE, un film en quatre saisons de Manuela Morgaine, une légende qui donne à vivre au cinéma la déflagration d’un coup de foudre amoureux. Elle se déroule sur une saison, l’été, un été orageux, à l’intérieur de plusieurs siècles, entre aujourd’hui et le dix-huitième. Il ne faut donc pas s’inquiéter de ce qui n’est pas « raccord », ni dans le temps qu’il fait, ni dans le temps qui se déroule et qui est sujet à des sautes, ni dans les supports filmiques qui changent, ni dans les costumes qui dérangent la chronologie des époques, ni dans les façons de parler, ni dans les espaces que la foudre traverse à la vitesse de l ‘éclair, elle qui a ce don d’ubiquité dont nous rêvons tous, qui se ramifie parfois sur plusieurs continents en même temps. D’un ciel à un autre ciel, capable d’être tous les espaces, le ciel est toujours là, tel qu’en lui-même de toutes ses variations de rites, de saisons et d’humeurs. La foudre est imprévisible, frappe en tous sens. Ce film est un zig zag continu. Le mot zig zag vient du terme allemand qui dit le va et vient amoureux. C’est le mouvement choisi. Le modèle c’est la forme de l ‘éclair. C’est le contraire d’une ligne droite avec un début et une fin, et tout qui évolue lentement de l’un à l’autre. La fin est déjà là dès le début, qui gronde.

Musique & design sonore : Philippe Langlois

ETUDE AUX ALLURES de Raymond Hains (1960)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 1er trimestre 2012.

L’Etude aux Allures concrétise deux expériences parallèles, l’une sonore, l’autre visuelle à travers l’exploration d’un phénomène équivalent : « l’allure ». L’allure, c’est l’oscillation qui résulte de l’entretien d’un son, le rythme interne de sa structure sonore, ce qui le fait vivre et changer depuis son émission jusqu’à son extinction. Dans cette étude, le peintre Raymond HAINS tente une transposition visuelle de cette loi acoustique en filmant ses œuvres à travers des lentilles cannelées directement fixées sur la caméra créant des effets de vibration optique qui viennent animer les formes et les couleurs et produire un rythme colorés à partir de la permanence d’objets visuels. Utilisant la musique comme canevas de montage, le peintre rend perceptible le langage secret qui s’établit de lui-même entre les événements son et image.
Ce film s’inscrit également dans la série d’essais audiovisuels qui présente un nouveau type de relation où l’on inverse la proposition en réalisant un film à partir d’une musique préexistante, transposant ainsi dans l’activité de la musique de film la théorie de « l’inversion du sens de composition » propre à la musique concrète. Diamorphose de Iannis XENAKIS devient ainsi le modèle sur lequel vient se greffer le film Fer chaud de Jacques BRISSOT tout comme l’Etude aux allures de Pierre SCHAEFFER se trouve ici mise en images par Raymond HAINS.
« Le plus remarquable, c’est l’aisance, précisément, d’un contrepoint qui pouvait se dérouler fort librement, dès que la structure des images et des sons était en parenté. Aucun besoin d’ajuster numériquement battements ou mouvements. C’est l’esprit qui comptait, et non la lettre […] » Pierre SCHAEFFER dans Le contrepoint du son et de l’image.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.