Conçue, dessinée et animée en direct par une équipe de patients d’une clinique psychiatrique, cette réalisation présente, aux yeux de son auteur moins d’intérêt sur le plan purement cinématographique que sur celui de l’expérience humaine. C’est l’inquiétante histoire sans parole d’une femme et d’un homme vivant dans un étrange décor où les objets sont doués de vie qu’ils ont choisi de nous raconter à travers ce théâtre d’ombres chinoises en figurines découpées. Leurs personnages connaîtront un destin tragique puisqu’emportés dans les airs par des ballons, ils seront finalement dévorés par un horrible dragon.
L’illustration sonore d’André Boucourechliev, dans la lignée de la musique mixte, mêlant musique concrète et instruments, participe grandement à l’atmosphère fantastique de ce conte. Au-delà de l’étrange lien qui se noue entre les mouvements saccadés des personnages de carton et le thème hypnotique du « tic tac », une certaine inquiétude prend corps tandis que s’installe peu à peu la tension dramatique de l’histoire.
Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.
Avec la volonté de compléter le décor fabuleux du laboratoire du docteur Frankenstein et pour représenter les bruits terrifiants de son équipement scientifique, James Whale demande à Franz Waxman de composer la musique de La fiancée de Frankenstein – The Bride of Frankenstein – en 1934, dont il disait que « c’était un film d’horreur qui demandait une musique d’une obsédante étrangeté, mystérieuse et différente ». Aussi, le theremin, qui occupe la fonction mélodique principale ne constitue pas le seul nouveau dispositif acoustique destiné à produire de l’étrange. Waxman a en effet prévu tout un appareillage rythmique alliant cymbales jouées à l’archet et bruits concrets – jets de vapeur, éléments mécaniques, roue grinçante, etc., – s’insérant et marquant les accents rythmiques du grand thème orchestré pour simuler le fonctionnement du laboratoire de Frankenstein.
Court film expérimental qui pourrait s’inscrire dans la lignée de la cinématographie scientifique de Jean Painlevé exploitée, ici, dans le but d’une recherche artistique à partir d’images en noir et blanc de René Laloux qui relatent des phénomènes visuels observés dans la nature sans qu’il puisse être donné de reconnaître à quelle espèces animales ou végétales ils appartiennent. Des formes organiques battent et se résorbent, des reflets dansent au rythme de la musique de Henk Badings, des cercles de lumière clignotent comme des yeux inquiétants, des perpétuelles métamorphoses évoquent un grand organisme vivant et palpitant.
Premier film mentionné dans le catalogue interne des films du Service de la Recherche, Les Achalunés inaugurent ainsi les premières expériences visuelles du GRI, (Groupe de Recherche Image) dirigé par Jacques Brissot qui cultive une ambiguïté quant à l’origine de la matière visuelle à travers un matériau tout à la fois concret et abstrait qui prolonge les expériences de René Laloux consistant à filmer les effets de la lumière diffractée par des éclats de verre sur un écran. La musique de Henk Badings à base de sons de piano rétrogradés et de gammes d’objets concrets improbables semble constituer une forme d’abécédaire dans les relations qu’entretiennent les objets visuels et les objets sonores. Date de production : 1959
Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.
Lors de la sortie en salle du film d’animation de Berthold Bartosh, L’idée, tourné entre 1931 et 1934 à partir des gravures sur bois du peintre expressionniste belge Franz Maseréel, certains critiques ont parlé de véritable « révolution dans le dessin animé » à destination d’un public adulte. Le film eut une genèse compromise par l’arrivée au pouvoir des nazis à Berlin : Bartosch dut emporter le film à Paris où il fut achevé et montré pour la première fois, en 1934, devant un public d’intellectuels au Vieux Colombier. Il révèle l’étrange beauté d’un monde symbolique qui ressemble à notre société et dont le personnage principal est une idée. Cette idée prend corps sous la forme d’une femme nue et symbolise la révolte populaire contre toute forme d’oppression, l’insurrection contre l’autorité. Cette femme sera traquée par la société, poursuivie dans les rues, par les soldats, les prêtres, les marchands, combattue, puis anéantie avant de renaître par le crâne fendu de l’homme qui l’a imaginée. L’incarnation de l’idée revêt différentes formes dans la musique d’Arthur Honegger, notamment par l’utilisation des ondes Martenot. Le choix d’un son « abstrait » pour représenter une idée, une idéologie, d’une sonorité moderne en lien avec la pensée artistique résolument « anticipatrice » de Maseréel, et l’emploi d’un son « révolutionnaire » pour incarner un personnage révolutionnaire : autant d’éléments qui conduisent Honegger vers le choix des ondes Martenot comme instrument soliste dans sa partition.
A l’occasion d’une exposition de sculpture organisée au musée Cernuschi en 1959 sur le thème des rapports entre l’orient et l’occident à travers cinquante siècles d’art, Enrico Fulchignoni tente de montrer comment, à travers l’art égyptien, l’art grec a été influencé par les arts étrusques et orientaux. Le commentaire de Pierre Henry dit par Pierre Chambon et les maniements de camera soulignent les ressemblances qui existent entre les diverses statuettes sculptées, au niveau des profils, des sourires, des attitudes. La musique originale de Iannis Xenakis, douce, lente, lointaine, semble rendre hommage à ces civilisations disparues.
Orient Occident est une œuvre à part dans le corpus des pièces électroacoustiques de Xenakis contrastant avec les autres œuvres composées au GRM dans les années 50-60, Diamorphoses, Concret PH, Analogique B et Bohor. Orient Occident travaille au niveau de l’objet sonore sur la base d’un instrumentarium principalement constitué de percussions métalliques. La musique fonctionnant par vague, tel un grand flux /reflux de matière sonore, et s’équilibre harmonieusement avec commentaire de Pierre Henry dit par Pierre Chambon qui s’intègre pour ne pas dire fusionne avec la musique de Xenakis. Les longues trames de son, ainsi que les bribes de matières sonores qui se développent sur les images de sculptures très anciennes semblent également nous convier à un voyage sonore vers des temps immémoriaux. La musique tente de matérialiser le passé à travers la mémoire des sons et l’imaginaire relié à l’emploi de la matière sonore brute : le bois, le métal. En maître de la densité de la matière musicale Xenakis tente avec cette musique de pénétrer les couches de matières temporelles qui séparent et relient la culture occidentale aux civilisations anciennes.
Durée : 20′
Production : Unesco
Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.
A l’issue d’une séance d’écoute, lors des traditionnelles réunions du Service de la Recherche tous les vendredi après midi, le cinéaste Piotr Kamler découvre Reflets (1960) qu’Ivo Malec a composé dans le cadre de son Etude de stage. Séduit par la luminosité que cette pièce dégage, Kamler lui propose immédiatement d’en réaliser un film. Pour permettre à Kamler de travailler au plus près de la musique, Malec va réaliser une très belle partition graphique inédite, sur laquelle apparaît clairement la composition des quatre pistes de Reflets, un découpage temporel précis (à la demi-seconde), un schéma évolué qui va lui permettre de construire son film.
Reflets se déroule la nuit à deux heures du matin, sous le Pont neuf : la lune se reflète dans la Seine en lignes modifiées à chaque seconde, brisées, et recomposées par le courant. On peut voir ce film de cette façon. A partir de ce « scénario », Kamler travaille sur des métamorphoses continues de formes, de la synthèse figurative à l’analyse de la matière, dont il répertorie avec obstination les éléments.
Malec fut enchanté par le résultat, il ressentit, dit-il, « une forme de bonheur à travers la sensation d’avoir été compris, que quelqu’un a tout simplement compris l’essence de ce que vous avez fait ». Les images comme la musique baignent dans une lumière légère, transparente, et affleurent le drame de manière passagère. L’expérience réussie de Reflets, incite Malec à inverser la proposition de départ : écrire une musique pour le film suivant de Kamler, Structure (1961).
Ce film a été primé au festival du film d’animation de Rimini (Italie) en 1962.
Juste après, une « exclusivité Cloches d’Atlantis » : le fac similé totalement inédit de la partition manuscrite de Reflets de Ivo Malec.
Ainsi que le Schéma directeur de Pierre Schaeffer donné aux compositeurs comme trame pour la composition de leur Etude de stage
L’Etude aux Allures concrétise deux expériences parallèles, l’une sonore, l’autre visuelle à travers l’exploration d’un phénomène équivalent : « l’allure ». L’allure, c’est l’oscillation qui résulte de l’entretien d’un son, le rythme interne de sa structure sonore, ce qui le fait vivre et changer depuis son émission jusqu’à son extinction. Dans cette étude, le peintre Raymond HAINS tente une transposition visuelle de cette loi acoustique en filmant ses œuvres à travers des lentilles cannelées directement fixées sur la caméra créant des effets de vibration optique qui viennent animer les formes et les couleurs et produire un rythme colorés à partir de la permanence d’objets visuels. Utilisant la musique comme canevas de montage, le peintre rend perceptible le langage secret qui s’établit de lui-même entre les événements son et image. Ce film s’inscrit également dans la série d’essais audiovisuels qui présente un nouveau type de relation où l’on inverse la proposition en réalisant un film à partir d’une musique préexistante, transposant ainsi dans l’activité de la musique de film la théorie de « l’inversion du sens de composition » propre à la musique concrète. Diamorphose de Iannis XENAKIS devient ainsi le modèle sur lequel vient se greffer le film Fer chaud de Jacques BRISSOT tout comme l’Etude aux allures de Pierre SCHAEFFER se trouve ici mise en images par Raymond HAINS. « Le plus remarquable, c’est l’aisance, précisément, d’un contrepoint qui pouvait se dérouler fort librement, dès que la structure des images et des sons était en parenté. Aucun besoin d’ajuster numériquement battements ou mouvements. C’est l’esprit qui comptait, et non la lettre […] » Pierre SCHAEFFER dans Le contrepoint du son et de l’image.
Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.
Le film représente une déambulation, la nuit, à la lumière d’une lampe torche dans les galeries d’un château dont les couloirs sont peuplés de masques anciens. L’image se prête à l’onirisme de la jeune musique concrète pour la première musique de film de Pierre SCHAEFFER, les ressources sonores puisent dans différents registres alliant des sonorités de piano préparé, des jeux de cloches, quelques fragments sonores tirés de la Symphonie pour un homme seul et – fait sans doute unique à l’époque – des extraits de musique traditionnelle africaine.
Premier court métrage à bénéficier d’une musique concrète en 1950, Maskerage est également la première musique de film de Pierre SCHAEFFER inaugurant la recherche autour de la notion d’objet sonore et d’objet visuel notamment grâce à l’emploi de la musique concrète en lien avec le cinéma. Initiée théoriquement avec son Essai sur la radio et le cinéma (1941), la recherche dans le champ de l’audiovisuel est une activité que Pierre SCHAEFFER ne cessera de développer tout d’abord au sein du GRMC puis dans le cadre du Service de la recherche de l’ORTF qu’il dirige jusqu’en1975, avec le but l’élaborer un véritable solfège des objets audiovisuels qui malheureusement ne verra pas le jour. « Puisque le son et l’image désormais s’enregistrent, se manipulent, nous devons reconnaître l’étendue de ce bouleversement. Il impose à la racine même des arts traditionnels la nécessité d’une révision. Il en offre la possibilité, permet une expérimentation, ouvre un prodigieux champ d’expérimentation. Il s’agit d’examiner, en toute indépendance d’esprit le nouveau conditionnement de l’œuvre. Cette recherche fondamentale engage l’art tout entier ». Pierre Schaeffer, Les machines à communiquer. Le film fut présenté sous pavillon néerlandais dans le cadre du deuxième festival de Cannes. Date de production : 1950 Société de programmes : Office Radio Télévision France Canal de diffusion : 1ere chaîne
Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.
La première expérience des ondes Martenot au cinéma remonte à 1930 dans le film d’Abel Gance, La fin du monde au générique duquel figure le nom de Walter Ruttmann à la direction artistique. La musique originale, signée Arthur Honegger, montre la volonté d’intégrer de nouveaux moyens de production sonore à travers l’emploi des « ondes musicales ». le scénario de La fin du monde repose sur une intrigue simple mais efficace, celle d’un savant qui découvre que la trajectoire d’une comète va croiser l’orbite de la Terre. La fin du monde est proche. La comète ne fait finalement qu’effleurer la planète. Cela dit, avant de découvrir sa trajectoire finale, la population, se croyant perdue, célèbre les derniers instants de la vie dans une monumentale orgie. Jean Laurendeau, biographe de Maurice Martenot, relate que dans cette séquence, « le cinéaste et génial innovateur Abel Gance souhaitait utiliser l’instrument de Maurice Martenot pour une scène de panique dans son film La fin du monde. La famille Martenot lui envoya Olga Bilstin, fille de Youri confiée par lui à Madeleine (Martenot) pendant un de ses voyages aux Etats-Unis. Olga n’était pas ondiste. Mais on lui demanderait seulement de simuler, avec le jeu des rubans propre à l’instrument, les sifflements du vent. Pas besoin pour cela d’être allée au conservatoire. A son retour des studios de tournage, elle raconta ceci : 90 figurants avaient été prévenus qu’on leur dirait quoi faire au moment opportun ; ils ne savaient rien d’autre. Ce moment arrivé, une véritable pluie accompagnée de trombes d’eau se déclencha avec la complicité des pompiers de Paris. C’est ici qu’Olga entrait en jeu pour sonoriser le vent et l’épouvante. Abel Gance, lui, se contentait de filmer l’affolement général « spontané » qui en résulta… – Cette dernière anecdote fait partie des souvenirs de Madeleine Martenot ». « Pour une raison non élucidée, c’est finalement Maurice Martenot qui joue dans le film. Il est lui-même dans l’image : on l’aperçoit brièvement, manipulant son jeu à distance, au beau milieu d’une scène d’orgie, un peu anachronique dans un tel entourage, bien concentré sur son travail, alors que se déclenchent les cataclysmes prévus par Abel Gance ».
Malgré la présence de Maurice Martenot et de son instrument sur l’écran, (3’07) ce plan passe quasiment inaperçu à la projection du film. Seule une vision attentive et prévenue permet l’observation de cette prestation insolite. En premier lieu, voir un homme se tenir à distance d’un meuble en bougeant son bras dans le vide, d’avant en arrière, est loin d’évoquer le geste traditionnel du musicien jouant de son instrument. Spécifions que les ondes Martenot utilisées pour le film en 1929, le sont dans leur deuxième version, c’est-à-dire que les variations de hauteur sont effectuées le long d’un fil de fer, guidées par le mouvement des doigts de l’exécutant – le fil est invisible à l’image.
Il faut noter également, à deux reprises, la technique de l’accélération de vitesse du son pour styliser le langage d’une peuplade africaine qui panique à l’approche de la comète (1’10).
En 1929, dans son premier film sonore Melodie der Welt – La mélodie du monde – Walter Ruttmann exploite le bruit, pour son essence musicale, dans deux séquences qui montrent la volonté de traduire une certaine harmonie universelle décelable dès le générique, à la lecture de la note d’intention du réalisateur.
Le film est conçu comme un voyage autour du monde. Les premiers plans révèlent ainsi un port où des paquebots sont ancrés. La musique impressionniste de Wolfgang Zeller, privilégiant les familles d’instruments en bois et en cuivre, se déploie. La première intégration du bruit dans le générique de début correspond à l’intervention du son de la corne de brume du paquebot qui annonce l’appareillage et le début du voyage. Ce son se substitue à la cadence conclusive des instruments. Techniquement, Ruttmann n’a fait que monter le son de la corne en remplacement de l’accord instrumental conclusif. Pour réaliser une telle opération, la musique de Zeller a probablement été commandée par Ruttmann, après le tournage et l’enregistrement, de manière à englober la note de la corne de brume dans la tonalité de la musique. Régulièrement, ce son de sirène réapparaît dans les premières minutes du film, venant curieusement se mêler aux mélodies de Zeller. Le compositeur se joue d’ailleurs de cette ambiguïté un peu plus loin dans le générique, en concevant certains modes de jeu au basson sur le modèle du son de la corne de brume, de sorte que l’on ne sait parfois plus s’il s’agit d’un son de corne ou d’un instrument de musique.
L’écoute de la courte séquence qui suit, (vers 2’20) juste avant le thème de l’accordéon, ne permet pas de déterminer la source sonore et le procédé technique employés. Callée précisément sur des images de ressac et épousant le déferlement des vagues, la texture sonore obtenue révèle une grande proximité avec le son de corne de brume, sans toutefois se présenter de manière naturelle. La mise en boucle passée à l’envers semble avoir été utilisée, presque indéfinissable, mystérieuse, dans la lente répétition de sept grondements identiques. Ruttmann a t-il essayé de boucler le son sur lui même ? A-t-il procédé à l’inversion du sens de lecture du son, ou bien a-t-il mélangé la corne avec des instruments ? La mauvaise qualité de la bande sonore rend difficile le décryptage de ce travail, mais celui-ci révèle certainement l’emploi d’un procédé qui assurément relève de la pratique électroacoustique primitive et qui étonnamment même, renvoie à un dérivé précurseur du « sillon fermé » de Pierre Schaeffer dès 1928.
La même intégration bruit / musique observée précédemment, se retrouve à la fin du générique (à 4’30’’). C’est une nouvelle fois le son de corne de brume qui conclut la cadence harmonique sur la note ré. Comme Dziga Vertov le fera l’année suivante dans les célèbres séquences d’Enthousiasme réalisées à partir de sons de sirènes, Walter Ruttmann fait appel à un son de sirène comme marqueur de forme et le considère comme un élément moteur dans la structure générale de son film.
Après le générique, se succèdent des tableaux qui décrivent les différents us et coutumes répandus sur la planète selon des catégories communes : traditions vestimentaires, danses, loisirs, ou encore nourriture, religions, etc. Lorsque survient le tableau intitulé « le travail », la musique de Zeller cède la place à un montage sonore en correspondance directe avec ce qui est représenté à l’écran. Autrement dit, on voit ce que l’on entend, et ce qu’il est donné d’entendre rompt radicalement avec la musique d’accompagnement. Ce n’est plus l’image qui asservit le son mais le contraire. Il s’agit dans cette séquence de représenter la diversité des métiers : Ruttmann abandonne alors le domaine strictement instrumental pour employer des sources sonores naturelles. Construite sur un modèle rythmique, cette séquence ne comporte pas de mixage, les sons se succèdent en un fulgurant montage de bruits. La sonorité des marteaux, des enclumes, des scies manuelles et électriques, des machines ou des voix lançant des ordres en allemand, vient cadencer cette composition sonore. Ce collage bruitiste est évidemment le fruit d’un minutieux travail de composition sonore cherchant à dégager la valeur rythmique des sons/bruits. L’écoute de cette séquence rappelle immédiatement les montages du début de Wochenende dont certains sons seront récupérés deux ans plus tard. Ils sont déjà tout aussi habiles, aussi précis, leurs articulations sonores sont déjà tout aussi riches. En ce sens, la séquence du travail peut être considérée comme une complète prémonition de ce qu’il réalise deux ans plus tard dans Week-End.