Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.
Une grande partie de la création musicale des années 20 porte le sceau de l’ère industrielle y compris chez les compositeurs qui se défendent d’appartenir d’une quelconque manière au mouvement futuriste. C’est le cas d’Arthur Honegger à travers l’œuvre Pacific 231 tirée du film de La roue (1923) d’Abel Gance. Dès 1913, Claude Debussy exprimait déjà la nécessité d’une nouvelle musique en déclarant : « Notre devoir n’est-il pas de trouver la formule symphonique qu’exige notre époque, celle qu’appellent les progrès, les audaces et les victoires modernes. Le siècle des aéroplanes a droit à sa musique ».
Le titre de ce poème symphonique, véritable musique à programme, provient de la célèbre locomotive à vapeur la Pacific 231. Cette pièce tente une représentation musicale d'un voyage à bord de cette célèbre machine et puise son inspiration dans les divers bruits de la locomotive à travers les instruments de l'orchestre symphonique: grincements de ferraille et fuites de vapeur rendus par les glissandi aux violons, lourdeur du train au démarrage et le mouvement des bielles est figuré par les cuivres dans le grave, la répétition de motifs mélodico rythmiques s'inspire du mouvement perpétuel de la machine… Les différentes allures du trains sont également représentés par le tempo variable dans des séquences distinctes en se calquent sur le modèle de plans cinématographiques. Honegger simule l'aspect de rotation et l'accélération du train grâce à des valeurs rythmiques en diminution qui en décompose le mouvement : croches, triolets, doubles-croches, puis la décélération du train sur un modèle opposé.
Outre la version cinématographique de jean Mitry en 1951, il existe une autre version, très méconnue, réalisé par le cinéaste russe Mikhail Tsekanuski en 1931 mise au jour grâce aux travaux de Valérie Pozner, chercheuse au CNRS, dans le fond de la cinémathèque de Krasnogorsk. c'est cette version qui est proposée ici, de manière totalement inédite.