LIGNES ET POINTS de Piotr Kamler (1966)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

En réalisant Lignes et points (1961), qui constitue un essai de création parallèle du son et de l’image, Piotr Kamler étend sa collaboration avec un nouveau jeune compositeur, François Bayle, pour un film totalement abstrait Piotr Kamler et François Bayle choisissent un matériau préalable : taches lumineuses violentes, lignes continues, moyens sonores. Après avoir défini ainsi des moyens plastiques et sonores, ils établissent en commun un découpage où sons et images sont considérés comme des éléments parallèles. Le résultat nous plonge dans un univers imaginaire, infini sidéral peuplé de sons étranges où surgissent et évoluent avec des mouvements tantôt lents, tantôt saccadés, des formes lumineuses, des taches lunaires et des fourmillements de points traversés parfois par des lignes immatérielles.

Le film donne la sensation visuelle d’impacts sonores, de taches floues, de coups de phares de voitures dans un tunnel par brouillard, de flashs très fugitifs et dynamiques, de rafales orientées, s’approchant, reculant, des effets de tunnel, de vides, de disparitions et d’entrées subites explosives.
Les sons, percussions et résonances semblent se calquer sur la thématique même de Lignes et points : les impulsions en tant que points, les résonances en tant que lignes. Si la musique est autonome et semble ne pas obéir à l’image, la synchronisation s’effectue alors presque de manière fortuite et aléatoire en une rencontre poétique de l’image et du son.
Lignes et points pour sons concrets acoustiques et images fait aujourd’hui partie d’un cycle plus vaste et s’intègre dans L’expérience acoustique (1966) pour quatre pistes et grand écran. Il intervient juste après Métaphore créé de toute pièce uniquement à partir de sources électroniques. Cette expérience lorsqu’elle est donnée aujourd’hui en concert, porte encore la marque indélébile du Service de la Recherche.
Il existe une autre version avec une autre partition de François Bayle pour sons instrumentaux.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

LA DORMEUSE de Maurice Pons (1965)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

La dormeuse a été tourné au Moulin d’Andé durant l’été 1962, soit un an avant l’anti film performance d’Andy Warhol, Sleep, qui devait à l’origine durer huit heures, le temps d’une nuit de sommeil de l’artiste John Giorno. D’une manière moins formelle et plus poétique, La dormeuse de Maurice Pons est une exploration du sommeil dans le sens où Maurice Pons s’efforcerait davantage de pénétrer l’essence du sommeil pour chercher à en livrer une observation subjective. La camera indiscrète et silencieuse, suspendue au dessus du lit grâce à une nacelle mobile commandée par un treuil, peut alors surprendre la dormeuse dans son sommeil et pénétrer avec elle dans le monde des rêves.

Le choix d’une musique concrète réalisée à partir de sonorités métalliques telle des sons de cloches d’horloges ralenties n’est pas seulement là pour rappeler la manière dont la perception du temps se brouille durant le sommeil, elle vient également matérialiser l’onirisme du monde des rêves dans lequel Maurice Pons cherche à faire pénétrer le spectateur. Comme pour mieux souligner la lenteur flottante et suspendue des mouvements de caméra au dessus du lit, la musique participe pleinement de la suspension, les sons sont suspendus dans le temps.
Sur les images du corps morcelé de la dormeuse, les douces déflagrations de musique concrète déchirent l’espace de l’image et le temps du sommeil pour immerger le spectateur dans un univers sonore évanescent, telle des vagues successives de trames métalliques, tantôt isolées dans le silence, tantôt filées en trames longues et étirées.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

TROIS PORTRAITS D’UN OISEAU QUI N’EXISTE PAS de Robert Lapoujade (1965)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

A partir d’un poème de Claude Aveline « Portrait de l’oiseau qui n’existe pas », Robert Laoupjade réalise ce court-métrage d’animation « Trois portraits d’un oiseau qui n’existe pas » (oiseau carnassier, oiseau mouche, oiseau chanteur). Peintre et cinéaste, il réalise dans ce film la synthèse de ces deux moyens d’expression en faisant se mouvoir grâce à la technique d’animation de poudres et de matériaux divers, une peinture en éternel changement.

Pour ce film produit par Roger Leenhardt, il était pressenti la collaboration musicale d’un compositeur de renom tel Georges Auric ou Henry Sauguet. Selon les dires de François Bayle, la production recherchait une signature illustre afin de compléter une distribution déjà prestigieuse. Or, après de nombreux retards dans la livraison des images, Georges Auric puis Henry Sauguet se désistent et la présentation du film, dans le cadre d’un festival très proche, incite le Service à désigner François Bayle, en dernier recours. Il est chargé de composer une musique « temporaire », quelques jours avant la présentation du film.
La musique de François Bayle s’appuyant sur l’idée de mutation sonore, donne tout à la fois une équivalence et un parallèle à la beauté plastique des images mi-figuratives, mi-abstraites de Robert Lapoujade. La partition comprend un cor, un clavecin, un hautbois ainsi que des sons concrets.
La forme générale de la musique est disparate, sans véritable continuum ; les sons obtenus avec cette formation hétéroclite, constitués de bruits épars et de coassements surréalistes, donnent à entendre un monde sonore imaginaire qui s’accorde par synchronisme aléatoire aux images de Lapoujade. Modestement, François Bayle prétend avoir « en quelques jours, torché une musique inattendue et pimpante qui convenait fort bien aux images de Lapoujade ».
Naturellement inquiet, comme la plupart des gens de cinéma face à leurs images muettes, Robert Lapoujade est finalement satisfait par la musique de François Bayle. Bien défendue par le réalisateur, la musique du film est finalement adoptée sans qu’aucun autre compositeur soit mis à contribution pour une version définitive.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

UN GARCON PLEIN D’AVENIR de Peter Foldès (1965)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.


Film d’animation conçu et réalisé par Peter Foldès sur un scénario sombre qui peut être vu comme une métaphore de la cruauté humaine à travers la croissance d’un homme depuis sa naissance où déjà bébé, allaité par sa mère, il finit par la dévorer. Devenu adulte, il fait l’expérience de sa force, de la guerre et se livre à la destruction de tout ce qui est à sa portée. C’est la musique romantique de Schubert qui semble redonner à ce personnage ultra violent un visage humain et lui permettre de ressentir les sentiments du remord puis de l’amour. Cette accalmie n’est cependant que de courte durée et ses pulsions meurtrières reprennent vite le dessus à cause des provocations d’une femme impudique. Reprenant sa marche dévastatrice il finit par périr, écrasé par une force encore plus grande que lui.

Bien qu’appartenant au registre du dessin animé, le film n’en demeure pas pour autant destiné au jeune public.
Le parti pris de la piste sonore de Luc Périni est conçue comme une véritable musique à programme oscillant entre une bande sonore à la fois stylisée et illustrative représentant les aventures de ce personnage monstrueux en recourant, notamment, à toute une imagerie sonore directement prélevée dans des registres référentiels (boxe, cris, foule, bruits de guerre, extrait du premier mouvement de la symphonie n°8 de Franz Schubert).
La musique pendant le générique de début reprend des rythmes martiaux jouées avec une caisse claire à peine déformée ainsi que des trames d’une musique concrète stridentes et évolutives qui semblent figurer le danger et la cruauté grandissante de ce monstre sanguinaire

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

FAUTRIER L’ENRAGE de Philippe Baraduc (1964)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

S’appuyant sur un texte de Jean Paulhan, intitulé Fautrier l’enragé, Philippe Baraduc propose avec cet essai télévisuel un aperçu de l’œuvre et de la personnalité de Jean Fautrier, peintre de l' »Art informel ». Juxtaposant des toiles et des images d’éléments naturels ainsi qu’un entretien conduit par Jean Paulhan, Baraduc montre comment la peinture de Fautrier, plutôt qu’une représentation du concret est une tentative, à limite de l’abstraction, d’en suggérer la profondeur. L’art informel et abstrait y est paradoxalement rapproché de l’art figuratif dans le sens où, vu à travers un microscope, la réalité peut s’y confondre avec l’abstrait, où l’art informel serait un piège à prendre la réalité.

Soucieux d’illustrer les propos esthétiques tenus dans ce film où la réflexion porte avant tout sur les spécificités de l’œuvre de Jean Fautrier et sur le caractère abstrait de la réalité à l’œuvre dans ses tableaux, François Bayle choisit de n’emprunter que des sonorités instrumentales.
Les sons concrets sont donc délaissés à l’occasion de cette musique de film pour laisser la place aux instruments traditionnels. Pour autant, on peut davantage parler de matière instrumentale presque abstraite tant les articulations, les superpositions les modes de jeu rappellent l’empirisme de la composition concrète.
Avec cette tentative de transposition des techniques de composition concrètes vers la musique instrumentale, François Bayle s’inscrit dans la tendance qui anime les compositeurs du Groupe de Recherches Musicales comme Philippe Carson, Ivo Malec à la même époque.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

LE TELESCRIPTEUR de René Blanchard (1964)

Le texte et l’extrait vidéo ci-après documentent l’ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d’Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d’un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Un téléscripteur est un appareil qui équipe les régies de télévision qui permet d’écrire des génériques, des textes, mélangés ou non avec d’autres images, destinés à apparaître sur l’écran de télévision avant d’être diffusée chez les téléspectateurs. Dans ce film, conçu comme véritable interlude à intercaler entre les programmes de télévision, un petit personnage représentant le téléscripteur peine à écrire sur l’écran « Dans quelques instants la suite de notre programme ». Le film est réalisé à partir d’une animation et d’un graphisme très simplifiés. Les gags sonores y ont autant d’importance que les gags visuels.

Ce film est révélateur des orientations du Service de la recherche qui cherche, dès 1964, à montrer qu’il se préoccupe tout autant de l’intégration à l’antenne de ses productions que de la recherche audiovisuelle fondamentale pure. Cette implication s’exprime jusque dans ce qui relève habituellement de l’habillage et de la direction de l’antenne. Des petites productions conçues comme de petits intermèdes entre les programmes s’emparent de cette thématique pour mieux tenter de la détourner.
La musique, de Bernard Parmegiani, mentionnée dans les notices de l’INA en tant que « musique originale œuvre télé » est construite sous la forme d’un collage horizontal, en cut up, de sons concrets, de bruit très identifiés, de courtes séquences vocales, organisées comme une véritable musique concrète à programme, constituant une forme de burlesque sonore, en synchronisation directe avec les péripéties d’un petit personnage qui tente, non sans mal, d’interrompre les programmes et qui s’impatiente ensuite, avec tout autant de difficultés et d’énervement réussir à les reprendre. La musique de Bernard Parmegiani tente elle aussi de s’émanciper des règles de la composition concrète, non sans une pointe d’autodérision transgressant toutes les règles propres au solfège des objets musicaux, mais où l’idée de gag sonore prend tout son sens.

Cette notice d’information a été coproduite avec l’INA/GRM pour la création de la fresque multimédia – Artsonores – L’aventure électroacoustique, dans la catégorie Films issus du Service de la Recherche de l’ORTF de 1950 à 1975.

PACIFIC 231, de Jean Mitry (1949)

Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

 

Bien que nettement plus formelle et moins poétique que la version de Mikhail Tsekanusky, la version de Jean Mitry de Pacific 231 n'en est pas moins un modèle qui puise son inspiration dans le cinéma d'avant garde des années 20 tel un vobrant hommage au cinéaste Abel Gance auquel Mitry vouait une véritable admiration.

PACIFIC 231, de Mikhail Tsekanusky (1931)

Le texte et l'extrait vidéo ci-après documentent l'ouvrage de Philippe Langlois, Les cloches d'Atlantis, Musique électroacoustique et cinéma, Archéologie et histoire d'un art sonore, éditions mf, Paris, 2012.

Une grande partie de la création musicale des années 20 porte le sceau de l’ère industrielle y compris chez les compositeurs qui se défendent d’appartenir d’une quelconque manière au mouvement futuriste. C’est le cas d’Arthur Honegger à travers l’œuvre Pacific 231 tirée du film de La roue (1923) d’Abel Gance. Dès 1913, Claude Debussy exprimait déjà la nécessité d’une nouvelle musique en déclarant : « Notre devoir n’est-il pas de trouver la formule symphonique qu’exige notre époque, celle qu’appellent les progrès, les audaces et les victoires modernes. Le siècle des aéroplanes a droit à sa musique ».

Le titre de ce poème symphonique, véritable musique à programme, provient de la célèbre locomotive à vapeur la Pacific 231. Cette pièce tente une représentation musicale d'un voyage à bord de cette célèbre machine et puise son inspiration dans les divers bruits de la locomotive à travers les instruments de l'orchestre symphonique: grincements de ferraille et fuites de vapeur rendus par les glissandi aux violons, lourdeur du train au démarrage et le mouvement des bielles est figuré par les cuivres dans le grave, la répétition de motifs mélodico rythmiques s'inspire du mouvement perpétuel de la machine… Les différentes allures du trains sont également  représentés par le tempo variable dans des séquences distinctes en se calquent sur le modèle de plans cinématographiques. Honegger simule l'aspect de rotation et l'accélération du train grâce à des valeurs rythmiques en diminution qui en décompose le mouvement : croches, triolets, doubles-croches,  puis la décélération du train sur un modèle opposé.

Outre la version cinématographique de jean Mitry en 1951, il existe une autre version, très méconnue, réalisé par le cinéaste russe Mikhail Tsekanuski en 1931 mise au jour grâce aux travaux de Valérie Pozner, chercheuse au CNRS, dans le fond de la cinémathèque de Krasnogorsk. c'est cette version qui est proposée ici, de manière totalement inédite.

(1996) ENUMA ELISH de David Duponchel

Enuma Elish est à double titre un film fondateur pour lequel j’ai composé la musique après plusieurs autres courts-métrages de David Duponchel depuis le début des années 90, c’est le premier film qui a bénéficié d’une véritable production. La musique électroacoustique et plus largement toute la bande sonore ont été composé au studio de Francis Faber, La Grande Fabrique à Dieppe. Ce film est également fondateur puisqu’il est à l’origine de mes travaux de recherche sur la musique électroacoustique au cinéma donnant lieu à un DEA puis une thèse en musicologie à Paris IV soutenue en 2004, sous la direction de Jean-Yves Bosseur et Marc Battier qui fut ensuite publié aux éditions mf en 2012 sous le titre Les cloches d’Atlantis, musique électroacoustique et cinéma archéologie et histoire d’une art sonore.

Tourné en noir et blanc et couleur, en 16mm scope grâce au procédé Tronchet, il a ensuite été gonflé en 35mm ce qui lui confère le grain si particulier d’image. Aucune équipe de prise de son n’étant présente sur le tournage d’Enuma Elish, c’est l’intégralité des sons du film, des dialogues et des bruitages qui a dû être refait en post production.

Extrait des trois premières minutes en version basse définition et compressée.

JACK ELLITT, pionnier de la synthèse optique

Jack Ellitt, le compositeur attitré du célèbre cinéaste d’animation Len Lye, travaille également sur le son optique dans les années 30. Il ne reste malheureusement que peu de témoignages sur les travaux de ce chercheur passionné par l’idée de « construction sonore » et de « sons électro-acoustiques ».

Sur le site de Shame Film Music, spécialisé dans les compositeurs expérimentaux australiens, on retrouve les tous premiers enregistrements de Jack Elit dont une symphonie de ville primitive qui remonte au début des années 30.

Ainsi que quelques essais de sons optiques directement dessinés sur la pellicule mêlés à des sons concrets ce qui fait de cet exemple l'un des exemples les plus anciens de musique électroacoustique primitive en 1931.