CRINOÏDOPHONE de Tanguy Clerc (2021)

On pourrait tout à fait croiser cette installation dans un cabinet de curiosité des temps futurs où serait conservé ce qui subsiste d’une mémoire cinématographique primitive.

Le crinoïdophone réalisé en collaboration avec Tristan Dubus, est une sculpture sonore réalisée à partir de matériau industriel de récupération. Reposant sur un piédestal métallique, dans une grande cloche en plexiglas emplie de liquide transparent éclairé, des lambeaux de bandes magnétiques récupérés dans des cassettes VHS sont suspendus et flottent dans le liquide. Par intermittence, de manière imprévisible, dans un mouvement discontinu de rotation, les morceaux de bandes magnétiques sont actionnés par un petit moteur dissimulé dans le haut de la cloche qui les fait tournoyer dans le liquide. En tournant, les fragments se frottent sur deux têtes de lecture de bande magnétiques immergées dans le liquide. Il en résulte des bribes de son, des fragments d’une mémoire cinématographique impossible à appréhender autrement que dans une sorte de tournoiement sonore fugace et fascinant.

Devant cette œuvre, le visiteur de ce cabinet de curiosité serait témoin de quelque chose qu’il ne pourrait même pas imaginer, l’état d’un art, de quelque chose, surgi une mémoire fragmentaire, incompréhensible et fugace.

Il y a quelque chose de la contemplation devant cette œuvre, de la magie, un temps du présent où l’on contemple et capte la magie des sons anciens, comme ces spécimens conservés et exposés dans du formol dans un musée d’histoire naturelle. Ce serait comme devant un diorama sonore, restituant ce qui reste d’un temps ancien, bribes et borborygmes d’une mémoire cinématographique disparue, dont il ne subsisterait que le souvenir des sons engloutis.

Voir le site de l’artiste : http://www.tanguyclerc.com/

SUR LES TRACES DU BRONTEION de Tanguy Clerc (2016)

Sur les traces du Bronteion est une installation audiovisuelle de Tanguy Clerc, imaginée et réalisée dans le cadre du projet de diplôme de l’ESBA TALM/ DNSEP/ Master design sonore en juin 2016.

Le Brontéion, plus connu sous le nom de « machine à tonnerre », désigne dans le théâtre antique grec, l’un des premiers dispositifs sonores utilisé à des fins dramaturgiques permettant d’imiter le bruit de la foudre.

Lorsque le spectateur pénètre dans l’espace d’exposition que Tanguy Clerc a conçu, il pense assister tout d’abord à une projection vidéo dans le plus pur style des symphonies mécaniques des années 20-30.  En effet, sur l’écran, dénué de présence humaine, des images de machines en plus ou moins gros plans nous plongent dans un monde entièrement mécanisé accompagné par un son parfaitement raccord. Les images ont été filmées dans les imprimeries Firmin Didot et Soregraph sans aucune présence humaine qui rappelle notamment le film de Jean Mitry Symphonie mécanique (1955).

L’installation consiste à rendre sonore une vidéo à l’origine muette via des objets mécaniques disposés directement dans l’espace de projection derrière l’écran. Tel un orchestre, ces mécanismes se déclenchent au gré du montage et des événements dans l’image pour constituer la bande son du film en intégralité.
Chacun des plans vidéo est ainsi sonorisé à la manière des bruiteurs, sauf que le bruitage est ici automatisé : une fois activée, l’installation ne nécessite plus d’intervention humaine, elle se trouve ainsi au croisement des mondes cinématographique, sonore et sculptural.
Les images projetées sont des plans plus ou moins figuratifs filmés dans des lieux de productions industrielles : le montage image est généré aléatoirement par un ordinateur : les boucles se succèdent ainsi toujours dans un ordre différent. L’ enchaînement aléatoire est accompagné d’une durée variable de chacune des boucles, aléatoire elle aussi (entre 7 et 30 secondes). Chaque vidéo est analysée en temps réel pour contrôler et dicter par voie électronique le comportement des moteurs à l’origine des sons qui provient des machines acoustiques.

Voir le site de Tanguy Clerc : http://www.tanguyclerc.com/

Sur les traces du Bronteion, ESBAM 02/06/2016 from tanguy clerc on Vimeo.

INSTALLATIONS SONORES, Zimoun (2005-2015)

157 moteurs, balles de coton, boîtes en carton : 60x20x20cm (2014)

Né en 1977, Zimoun est un artiste sonore contemporain suisse qui vit et travaille à Berne. Autodidacte, il est principalement connu pour concevoir des installations qui empruntent tout autant aux domaines du volume et de la sculpture qu'à celui de l'art sonore. Il y assemble des matériaux et des composants simples et fonctionnels, (cartons, boites, petits moteurs), des objets industriels banals, jouant sur leur profusion et leur multiplication.

L'accrochage géométrique quasi obsessionnel de ses installations exprime "une tension entre les modèles ordonnés du modernisme et les forces chaotiques de la vie" nous confie-t- il.

En partant d'objets de facture simple —un carton à l'intérieur duquel un petit moteur actionne une boule de coton qui vient doucement cogner sur ses parois— il parvient, en les multipliant parfois à plusieurs centaines d'unités, à doter ces objets sonores du quotidien d'une véritable vie organique où le bourdonnement acoustique des phénomènes naturels crépite, frétille, s'agite, s'anime, fourmille, jusqu'à emplir et "habiter" tout l'espace sonore des lieux où il installe ses constructions minimalistes.

Zimoun mène dans ses œuvres une exploration systématique du rythme mécanique démultiplié, en perpétuel renouvellement, recréant artificiellement la complexité d'organismes vivants improbables qui confèrent une profondeur émotionnelle et une dimension poétique à des objets d'ordinaire inertes.

Ses installations qui, le plus souvent, reposent sur des dispositifs mécaniques simples ne s'attachent pas seulement à révéler l'aspect invisible de la vie d'objets en mouvement, elles peuvent aussi bien rendre compte de son aspect non moins imperceptible telle, cette installation de 2009, qui présente une souche de bois, d'aspect ordinaire, dotée d'un microphone directionnel, qui trahi et amplifie l'activité destructrice des termites qui la dévorent avec un enthousiasme sonore non dissimulé.

25 termites, bois, microphone, sound system (2009)

Vidéo réalisée par Zimoun qui présente une sélection de ses installations créés ces dix dernières années.

 

Cliquez ici pour visiter le site de Zimoun.

SYMPHONY OF SIRENS, Arseny Avraamov (1922)

Au début des années 1920, en Russie, Arseny Avraamov est probablement le compositeur russe qui représente de la manière la plus emblématique, une trajectoire musicale, encore aujourd'hui largement méconnue, qui se calque sur le versant le plus expérimental de la musique bruitiste dans le sillage du futurisme russe.

En 1922, pour célébrer l'anniversaire de la Révolution, il imagine une grande symphonie de ville qui serait jouée à Baku non pas par des instruments traditionnels mais par des sons qui émaneraient de la ville toute entière : tirs d'artillerie et de canons, sirènes d'usines, sifflets à vapeur, cornes de cuirassés, deviendraient sous sa baguette, ou plutôt sous ses drapeaux, puisqu'il dirigeait lui-même à l'aide de drapeaux depuis le sommet d'une plateforme ou depuis le toit des immeubles, l'une des symphonies de ville les plus marquantes de l'histoire de la musique.

Pour cette symphonie à l'échelle de la ville toute entière, il conçoit un système complet de sifflets à vapeur, comprenant toute l'échelle chromatique lui permettant sur plus d'une octave et demie, d'intégrer à sa symphonie de ville des mélodies jouées par ces machines à vapeur comme L'Internationale ou La Marseillaise.

Avraamov tentera par la suite de simplifier ce système avec un dispositif de répartition de la vapeur à travers différents sifflets notamment pour la reprise de la Symphonie des sirènes à Nivni Novgorod puis à Moscou en 1923.

Edgard Varèse avait certes déjà introduit la sirène au milieu de son orchestre notamment dans Amériques (1918-1921), puis dans Hyperprism (1923) et Ionisation (1933), elle se retrouve également dans le film Ballet Mécanique (1924) de Fernand Léger et Dudley Murphy sous la conduite musicale de George Antheil, mais avec cet exemple, dans un geste encore plus radical, Avraamov intègre ce jeux de sirène et de sifflets à son orchestre inouï où il étend tous les pupitres à la ville toute entière.

Il compose une partition dans laquelle il intègre tous ces instruments sonores.

Pour les manifestations sonores plus diffuses et lointaines Avraamov consigne le déclenchement d'événements sonores selon un déroulement temporel très précis auquel doit obéir chaque responsable de l'événement sonore.

Voici une reconstitution sonore de Leopoldo Amigo et  Miguel Molina paru en 2008 dans l'indispensable coffret Baku Symphony of Sirens, qui regroupe reconstitution sonore et archives d'époque de l'avant garde russe.

 

The first cannon shot from the roadstead (in about 12 o’clock) cues the alarm horns of Zych, White City, Bibi-Heybat and Bailov plants.
The fifth cannon shot cues the industrial horns of Product Management Azneft and docks.
The tenth cues the second and the third groups of Chernogorodsky district.
The 15th cues the first group of Black town and the sirens of the fleet. At the same time the fourth company of the Armavir courses of red commanders and the brass orchestra playing Warshavyanka go to the pier.
The 18th  cannon shot cues the plants of Gorrayon and the seaplanes take off.
The 20th cues the horns of the railway depot and the locomotives, that remain at the stations. Machine guns, infantry and steam orchestra, entering at the same time, get cues directly from the conducting tower. 
During the last 5 cannon shots alarm gets to the maximum and terminates with the 25th shot.  Pause.  Recall (signal from the Magistral).
Triple chord of the sirens. Seaplanes descend. “Hurrah” from the pier. Cue from the Magistral. “L' Internationale” (4 times). With the second half strophe the brass orchestra starts playing “La Marseillaise”. With the first repeat of “L' Internationale” melody the whole square starts to sing all three strophes of “L' Internationale” to the end. At the end of the last strophe the Armavir companies with orchestras return, met by “hurrah” calls from the square. During the performance of “L'Internationale” all the industrial horns and the railway station (depot and locomotives) remain silent.
Right after a joint triumphant chord, accompanied by cannon shots and bell-ringing, is played for 3 minutes.
Ceremonial March. «L' Internationale” is repeated two more times at cues during the final procession. After the third (final) performance the sirens cue one more joint chord of all the horns of Baku and its districts.

Arseny Avraamov
“Horn” magazine, 1923

Retrouvez d'autres informations sur le site Monoscop qui regroupe de nombreuses informations sur Arseny Avraamov.

La collection ZAG ZIG, à City Sonic

Pour sa dixième éditions, le Festival International des arts sonores, City Sonic 2012, à Mons, en Belgique invite la collection ZagZig, publiée aux éditions Dis Voir, et dirigée par Philippe Langlois,  Frank Smith & Danièle Rivière à imaginer une installation audiovisuelle autour de cette collection qui fait figure d’exception dans le champ de l’art sonore.

L’enjeu de cet espace éditorial consiste, par un mouvement de translation, à faire exister des œuvres sonores sous la forme de livres / disques conçus avec les artistes afin de créer de véritables objets plastiques innovants.

Cette installation créée pour City Sonic propose de s’immerger dans l’écoute des oeuvres sonores produites dans le cadre de la collection. Les dispositifs visuels avec les photos et des textes réalisés par les artistes et extraits des livres seront projetés parallèlement pour prendre position dans la texture sonore.

Co-Production : Transcultures/ City Sonic et Dis Voir

MUSICALES de Vassilakis Takis (1977)

Haut-parleur, cordes de violon, archer, 250×100 cm

Centre Georges Pompidou, Paris.

Lorsque Vassilakis Takis rencontre Marcel Duchamp en 1961, ce dernier fréquente régulièrement John Cage et l’avant-garde musicale new-yorkaise qui gravite autour de lui. C’est alors qu’il intègre dans ses pièces non seulement l’usage de haut-parleurs mais aussi les nouvelles idées que colporte le musicien.
Marqué par la pensée Zen et la volonté d’évacuer de ses œuvres toute forme de message, de discours, John Cage compose, en 1952, son œuvre en trois mouvements, 4’33’’ de Silence, s’inspirant lui-même d’un triptyque de monochromes blancs réalisé peu avant par son ami Rauschenberg. En concevant ses Musicales, qui font correspondre surface monochrome et son monotone, Takis s’inscrit consciemment dans cette filiation d’idées.
Le seul son que diffuse cette œuvre n’impose, de fait, aucune mélodie. Le battement qu’elle fait retentir n’est pas exactement régulier. Le visiteur reste libre de respirer à son rythme.  
Suspendue à un câble, comme un fil à plomb d’architecte ou un pendule de médium, une baguette de métal se balance et vient inexorablement se cogner contre la corde de métal tendue, qui l’attire à elle dès que le courant la traverse. La corde est ainsi à la fois l’instrument de ce son et son propre instrumentiste.
Ces Musicales donnent ainsi à voir le son et à entendre les matériaux. Le son donne à entendre l’objet qui l’a produit, il est en quelque sorte son « âme déployée dans l’espace », pour reprendre les termes de Cage.

L’ELLIPSE de Dominique Blais (2010)

L'ELLIPSE, 2010
Installation sonore
16 micros, 16 trépieds, câbles, carte son wirefire, programme informatique sur DVD, mac-mini
Dimensions variables
Edition de 3 +1 EA

Ce dispositif sonore est composé de microphones sur pieds formant un cercle incliné dans l'espace. Chaque micro est utilisé comme un haut-parleur pour restituer un échantillon audio et pour produire une séquence qui parcourra une ellipse plus ou moins rapide dans l'espace.

A l’instar d’une planète qui tourne autour de l’astre solaire, il s’agit pour ce dispositif de produire des cycles circulaires mais dont la vitesse pour produire une révolution sera variable par accélération ou décélération. En inversant le processus de diffusion d’un son – en utilisant des outils d’enregistrements tels que des microphones à la place d’enceintes – le dispositif crée un trouble quant à la perception habituelle des équipements de sonorisation.

En inversant le processus de diffusion d'un son – en utilisant des outils d'enregistrements tels que des microphones à la place d'enceintes – le dispositif crée un trouble quant à la perception habituelle des équipements de sonorisation. L'aspect sculptural statique de cette installation tranche avec la dynamique produite par les sons permettant de simuler
le mouvement d'un cercle à vitesse variable. Sobre, minimaliste, l'ensemble de microphones donne à voir une ellipse en suspension dont le seul mouvement est crée par le déplacement du son.

Le son diffusé provient des enregistrements réalisés par l'artiste lors de sa résidence à Ny-Alesund (Svalbard, Norvège), village scientifique considéré comme la localité la plus au Nord de la planète. Ces VLF (Very Low Frequencies) sont des fréquences radio naturelles issues de la magnétosphère, et qui sont récoltées et ramenées à la sphère de l'audible.
Le passage du son qui apparaît tel un craquement ou une étincelle, évoque dans sa succession l'idée d'un cycle infini.

Dominique Blais
L’Ellipse
du 12 janvier au 3 février 2012
vernissage mercredi 11 janvier à 18h

ECOLE SUPERIEURE D'ART DU MANS

Lundi-Vendredi : 13h à 19h – Samedi-Dimanche : 14h à 17h

CONTE POUR RADIO ET ROBINETS d’Arno Fabre (2004)

 

Conte pour radio et robinets (2004) d'Arno Fabre est le prolongement de son installation sonore Composition pour 3 radios (2003) métaphore poétique et sensible qui matérialise l'idée d'une pluie radiophonique.

"A l'image de la salle d'eau du pensionnat de mon lycée, un alignement de robinets sort de l'ombre. Evidemment, ils gouttent. Au-dessus, à la place des miroirs, des radios nous font face. Les fils des haut-parleurs sont sectionnés et dénudés.

Dans leurs chutes, les gouttes rétablissent brièvement le contact électrique et les radios diffusent des bribes sonores. A la manière d'un séquenceur-robinet-scratch, le flux radiophonique est haché et mélangé sans ménagement. Le bulletin météo côtoie une cantate de Bach, le Top 50, les résultats sportifs, le dernier attentat et les publicités de lessives : un conte pour radios et robinets.

Le volume sonore est faible, il faut se déplacer et tendre une oreille attentive."

AF

 

Conte pour radios et robinets from Arno Fabre on Vimeo.